lundi 12 décembre 2011

Lâcher-prise

Tu parles de "lâcher-prise hyper actif" et je comprends mal.
De toute façon, déjà cette idée de "lâcher-prise" me dépasse un peu en fait.
On m'en parle tout le temps du mien sauf que je vois pas où il est.
Quand je passe un contrat moral avec une personne (attacheur, dominant, etc.), j'accepte implicitement ce contrat, ça serait idiot de résister après ! ça serait comme renier ce contrat moral.
Est-ce que finalement ce que tout le monde qualifie de lâcher-prise n'est pas ce que j'appelle "confiance" ?

Et même si c'est ça, elle a quoi ma confiance ?
je la donne "trop" ? mais la confiance c'est comme l'amour, ça n'est jamais "trop", c'est total et absolu certes mais y'a pas de notion de "trop" là-dedans.
Du coup, je comprends mal cette idée d'hyper-actif, même si je peux comprendre que vu ce que tu es, tu travailles sur la confiance.

Quand à la découverte de l'autre dans les cordes, par ses cordes, c'est étonnant pour moi, je crois que je n'ai aucune expérience comparable sauf peut-être la moto. Mais le lien entre le motard et son passager mais ça n'a aucune commune mesure avec l'intensité de ce que les cordes livrent.
Et puis surtout, je crois quelque part que si les attacheurs soupçonnaient que les modèles puissent lire à livre ouvert en eux comme ça, ils n'attacheraient pas en public avec des inconnues.
Et d'ailleurs, ayant moi-même conscience de cette possibilité, je me livre assez peu publiquement comparativement à l'intimité - même si mes limites en termes d'intimité sont "anormalement" éloignées des vôtres.

[...]

Je n'aurais pas parlé spontanément de "mouvement complet" mais je comprends à quoi tu fais référence. Mais justement, j'attribue plus ce type de mouvements à A.S., il pratique presque toujours un ensemble de poses avec moi qui aboutissent à ce que tu appelles un mouvement complet - debout - par terre - suspendue - etc.
Avec toi, j'ai plus l'habitude de travailler sur une pose, par exemple tu me suspends puis tu modifies la pose subtilement par touche sans en changer globalement.
En tout cas, c'est mon ressenti.

Extraits de correspondance.

samedi 12 novembre 2011

FIP 50 (?)

Cordes par Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo par Darkoïd Radio

mardi 11 octobre 2011

Comme un bad de cordes

C'est comme si je me tapais une des pires descentes de ma vie.
Cela m'a pris hier soir avec des envies de me flinguer, des visions de pendaisons - je pense en images comme j'ai une mémoire visuelle.
Et ça continue ce matin, hier, je savais pas bien mais là, il y a ces palpitations typiques, cette espèce de nervosité agaçante, cette incapacité totale à tout sauf aux automatismes.
Cette sensation papillonnante dans le haut du dos comme un voile d'irréel.
Ces tremblements dans les mains, cette espèce de tremblement de soi, j'ai même envie de boire c'est dire.
Le truc c'est de reconnaître, après, quand on sait que c'est une descente, on sait que ça va forcément s'arrêter, tout est question de patience.

Même si, même en reconnaissant ça m'angoisse toujours, je pense que c'est l'esprit qui prend le pas sur le rationnel et qui amplifie tout pour me ramener à d'autres automatismes.
D'ailleurs rien que le fait que je sois capable d'en parler c'est plutôt positif tu me diras.

[...]

C'est sûr que moi, en descente, je peux me taper la piste noire ^^
Cela fait parti du deal, tout se paye, le Bon se paye avec une descente, c'est comme ça, che la vita. Juste que je n'avais jamais expérimenté cela sans béquille chimique, ou autre privation extrême de sommeil voir même expérience charnelle intense.
Quand à gérer une descente, pas 50 000 solutions soit tu peux dormir, soit tu peux remonter, soit tu dois te contenter des trucs automatiques en faisanr illusion en attendant que ça passe.

[...]

Je me tape une descente vraiment pas sympa et en plus, ce n’est même pas vraiment une descente puisque je sais bien que je n’ai rien pris…
Tremblements, nerfs à vifs, pensées désordonnées, fatigue intense, on dirait que j’ai pris un mauvais X…
Logiquement, je relie ça à la dernière soirée. Plus j’y repense plus je me dis que j’aurais dû aller m’isoler quelque part tranquillement plutôt que de rebondir – mal – sur le speed d’après.

Extrait de correspondance.

samedi 8 octobre 2011

Projet “vision trigonométrique”

Tout est une question de choix : il est plus facile de penser la vie ainsi et de nous donner une sorte d’incidence dans la manière dont elle s’écoule.
Malgré tout, la plupart du temps, elle choisit pour nous, des circonstances, qui donnent ou non leur devenir aux opportunités. A une agression de contrôleur prêt, cette opportunité aurait pu ne pas exister. Mais certaines rencontres ont quelque chose d’inéluctable, où tout s’inscrit dans la patiente certitude que les choses seront.

Deux ronds blancs dans une nuit d’octobre s’avancent dans la lumière blafarde d’un quai de gare aux allures de gare fantôme. Guetter les visages et chercher à reconnaître celui que l’on attend.
Instants flous de retrouvailles où deux chemins se mêlent, s’emmêlent et finalement se partage le même parcours.
Trouver ses marques et dépasser l’instinctif du ressenti pour aller vers l’autre, arracher un peu de soi. Laisser s’écouler les mots dans le rythme engourdi de la nuit : partager, échanger et avancer vers l’autre, dans la construction de l’estime qui crée la confiance indispensable au projet.
Poser les jalons d’un respect mutuel qui fera naître cette hydre à 3 têtes qu’est notre vision trigonométrique : trois mesures d’une même vue du kinbaku.

Le bruit strident d’un réveil.
Une grise matinée d’automne et la détermination sûre de notre triade. Un saut de puce en voiture, la contextualisation s’est faite en amont, via mail : les restes d’une caserne abandonnée depuis plus de 10 ans.
Présentation des lieux, soif typique de l’UrbEx : voir plus, le virus inhérent aux lieux abandonnés. C’est toujours difficile de se poser d’abord, dans ce genre d’endroit, il faut impérieusement explorer avant de finalement revenir sur ses pas et prendre les marques nécessaires aux premières prises de vue.
Quelque chose qui tient à la fois des vieilles peurs primales pour vérifier la quiétude d’un refuge et à la fois de la curiosité enfantine qui espère toujours trouver une sorte de trésor. Le lieu s’explore, s’inspecte et se dévoile, parle de lui-même, raconte son histoire.
Les volumes se découvrent, les décors s’enchaînent et notre propre histoire trouve sa place en surimpression.

Retour au calme du Mess des officiers, un peu à l’écart, paisiblement entouré d’un jardin où une nature exubérante reprend ses droits.
L’entrée se fait par un escalier qui grimpe sous une pergola couverte de feuilles mortes, puis débouche dans les restes d’un jardinet et une entrée condamnée sciée par les voleurs de métaux.
Le lieu est énormément saccagé, il reste même des traces d’incendie au premier étage.
Une enfilade de deux grandes pièces, des éclats de mobiliers et divers gravats, des fenêtres de toutes parts qui donnent sur le jardin perdu. Ce sera ici.

Prise de contact, il me palpe à ces endroits-clefs d’une philosophie orientale dont je suis bien ignorante. Comme un ostéopathe, il appuie par pression à divers endroits en attardant son geste comme on prend un pouls. Une petite manipulation presque instinctive qui replace une thoracique capricieuse. Et il avance vers ses cordes, enfin le nœud du sujet.
Premier passage net et définitif sur mes bras, c’est sans concession chez moi, une sorte de switch automatique. Il le sait, je sais que je lui ai déjà écrit (décrit ?) mais je sais aussi qu’à ce moment-là, la seule partie de lui qui s’en souvient peut-être c’est son inconscient.
Et c’est toujours troublant d’avoir cette lecture de l’autre quand il n’en a pas forcément conscience. Il saisit ma main droite et la fixe dans mon dos. Là encore, le geste se confond dans le ressenti d’automatismes en moi. Et je dois finalement terminer cette réflexion sur ces automatismes forts liés à la contrainte des bras chez moi.
L’esprit m’impose le souvenir enfantin de ces scènes de westerns si classiques dont une particulièrement dont la netteté des détails est un aveu en soi. Le contraste est fort quelque part de constater que malgré certains épisodes de ma vie où la contrainte ne participait pas d’un idéal érotique, elle ne s’est jamais manifestée sur les bras.
Une sorte de territoire abandonné à la virginité candide de l’enfance.
A l’évidence, il convient de revoir mes automatismes sous cet angle de vue très éclairant. Mais ces réflexions après coup sont tout-à-fait hors topic.

Au moment T, la seule chose évidente c’est cette contrainte réelle sur mes bras, c’est cette main tirée en arrière, c’est ses cordes que je peux ressentir dans la plénitude de l’entièreté quand je bande mes muscles pour prendre une profonde inspiration. Ce qui m’impressionne toujours avec N., c’est sa rapidité. Il y a toujours une sorte d’urgence dans ces gestes pour passer les cordes, quelque chose de l’impériosité du peintre qui matérialise son oeuvre. Il prend mon autre main et la place sur mon torse.
Toujours cette asymétrie qu’il affectionne. C’est le premier genre de pose où il m’a attachée avec la main gauche qui revient d’une manière ou d’une autre sur le torse comme en figure de protection. Amusant quand on connaît le symbolisme attaché à la main gauche.
Puis il commence enfin son véritable jeu de cordes, la touche qui donne à ses cordes leur particularité propre, cette façon de tisser les cordes qui lui est toute personnelle. Il joue de ma main, de mes doigts, passant un entrelacement complexe de cordes entre chacun d’eux. Pour continuer son passage de cordes sur mes hanches. J’aime cet équilibre qu’il donne avec ses liens entre le haut de chacun de mes membres, ça crée une sorte d’unité dans la contrainte, une touche de finalité toute en subtilité délicate.
Le jeu de cordes s’arrête, le frôlement caressant du papillon qui caractérise ses mouvements se paralyse dans le temps.
La distance de l’absence se ressent physiquement malgré le cocon de cordes. Les sens s’aiguisent pour pallier à l’absence et chaque bruit prend une ampleur démesurée. Les appareils photos qui fonctionnent me sont inconnus et je ne sais pas identifier lequel émet quel bruit, j’entends des bruissements de pas ou au contraire une buttée involontaire dans les gravats, le champs des oiseaux dans le jardin omniprésent, une sorte de spirale de bruits qui se répondent dans un écho sans fin.
La caresse du vent sur ma nuque nue, la délicate brise frissonnante qui me hérisse la peau et s’infiltre au plus intime de moi par le relais d’un frisson qui me possède plus à chaque souffle.
Une suite de bruits fracassants quelque part devant moi et les cordes qui tombent me rappellent à la réalité où le froid devient obsédant.

Je couvre d'emblée ma nuque avec ma capuche.
Et devant moi à l’endroit du bruit, je vois un point d’appui dans l’alignement du couloir.
Cette fois, il prend mes avant-bras et les lient sur le devant dans un entrelacement d’une symétrie exacte, une autre façon de tisser... Puis les fixent sur son point d’appui, l’évidence de me reposer sur ses mains jointes, l’instinct de me cacher derrière, penche ma tête vers mes mains avec en surimpression la sensation d’orienter définitivement la manière dont s’agencera ce jeux de nœuds.
Et même si il repart de mes chevilles pour me dessiner dans un cocon de cordes, c’est une évidence absolue, presque attendue du moins entendue quand je sens les cordes se positionner sur ma tête la solidarisant à mes mains jointes.
Et je trouve une autre dimension à son jeu de cordes, une dimension dont il m’avait parlé et que j’avais mal saisi où il était question de s’adapter aussi au modèle. C’est une réalité tangible à cet instant précis.
Puis de nouveau la sensation d’éloignement, les bruits de mouvements. Le doux ronron d’une situation connue et le froid ont raison de moi. Je sais que je m’assoupis une microseconde, juste assez pour avoir la conscience de me réveiller. Bander les muscles, sentir les cordes m’habiller. De nouveau, la proximité d’une présence et les cordes qui tombent.

Sauf les derniers liens sur mes poignets. S'enchaîne une suite de poses comme un exercice de style de jeux à une corde. Et la brûlure glaciale du froid reprend ses droits au moment où la dernière corde tombe. Le froid est impérieux et m’épuise.
Je dois finalement avouer ma limite. Et l’optique d’une boisson chaude nous ramène en des lieux habités.

Debrief de la matinée, je crois qu’on m’interroge déjà sur mes impressions mais je ne sais pas verbaliser quand je suis trop dans l’instant.
J’ai besoin de laisser les choses faire leur chemin en moi, retrouver le fil des souvenirs et démêler les émotions.
Visionnage des clichés, satisfaction du rendu des deux visions, petite promenade de mise en appétit, repas et retour sur les lieux du délit.

Cette fois, c’est en direction des caves que nous allons, immenses caves où courent d’énormes tuyauteries. J’aime passionnément leur esthétique industrielle, j’aime leur obscurité, j’aime leur dédale serpentant sous le bâtiment. Je crois que c’est l’endroit que je préfère dans ce lieu, quelque part.
Un puit de lumière dans l’ombre, N. sort ses cordes rouges.

Notre premier jeu de cordes avait des cordes rouges. Il commence la mise en place, toujours cette sensation de rapidité et cocon enveloppant. Je décroche vite, trop vite et je n’ai que des souvenirs flous en forme d’écho, les éclats de voix d’enfants jouant à proximité, l’éclat du flash du spot, les éclats de lumière d’un briquet qui s’allume.
Et finalement l’éclat de la voix de mon autre moi qui complimente ce qu’il voit. Mes mains sont liées sur le devant dans une posture trop proche de celles des menottes pour que je vive vraiment cela comme une contrainte mais mon buste est enveloppé d’un cocon de cordes qui permet de me maintenir au point d’appui où mon pied est aussi fixé.
Le berceau des cordes est à peine perceptible mais d’amples mouvements de respiration l’anime d’un balancement à subtil et tellement réconfortant. Le temps se suspend et m’échappe.
 Puis de nouveau, la sensation d’une présence, les cordes qui se délient, mon pied rejoint le sol mais les cordes restent sur mon buste.

Et changeant mon pied d’appui, il suspend l’autre vers l’avant. De nouveau, un profond sentiment de dérive en soi dans l’étreinte charnelle des cordes et l’intimité sécurisante de l’obscurité. Le temps s’échappe et me suspend.
 Un bruit derrière moi, un frôlement de papillon qui saisit mon visage dans une force d’émotion dont l’intensité me saisit.
Les cordes se font plus lâches, une main les délient, la réalité se retisse en sens inverse.
 Tout s’efface pour ne rester qu’un souvenir figé dans une image, le propre de l’art éphémère n’exister qu’ici et maintenant avec l’unique et l’instantanéité du moment présent.
Je crois que je me frotte les yeux, c’est toujours rustre le contact avec la réalité.

Nous reprenons notre exploration, je ne sais pas bien où nous allons mais j’ai beaucoup moins froid que le matin. Et c’est une croisée de couloir qui devient notre prochaine étape avec trou habilement placé sur une poutre porteuse.
N. installe un point d’appui et repart rapidement chercher un mousqueton oublié dans les sous-sols. De nouveau, il m’entraîne dans sa toile d’homme-araignée. Facilitant d’autant ma dérive qu’il lie mes bras d’abord. J’essaye de me maintenir dans un semblant de veille, le point d’appui que j’ai vu ressemble à une suspension.
Mais, je suis encore dans l’état propice de la fois d’avant. Je ne reprends vraiment conscience des choses que lorsque que je bascule en heurtant légèrement l’encadrure de porte.
J’ai la pensée idiote de me dire que j’aurais dû mettre mes mains et c’est seulement après que je devine qu’elles sont liées. Il me cale finalement avec une autre corde pour arrêter le balancement.
Et la posture s’épanouit d’elle-même.
Je ne sais toujours pas identifier lequel émet les bruits mais le déclenchement des appareils comme leur manière de bouger me sont désormais assez familiers pour qu’ils ne me maintiennent plus en alerte. La sensation d'apesanteur de la suspension termine de me dériver dans un ailleurs où le temps s’oublie. Les limites du corps me rattrape, je sais que j’émets un mouvement réflexe pour détendre un muscle, une sorte de micro-mouvement, un bruissement de soi, que N. remarque de suite, se matérialisant prêt de moi par cette présence encordante tellement caractéristique.
Les cordes se détendent et en une fraction de seconde, le vague inconfort s’est évanoui.
Des instants fondateurs de confiance qui construisent une relation. Comme si il lisait en moi, il reprend son jeu de cordes dans une autre direction.

Il me suspend par l’avant. Je penche la tête vers les cordes par automatisme pendant qu’il suspend mes jambes. La sensation de cocon est encore plus évidente dans cette posture de suspension. J’ai la sensation d’être dans un oeuf recroquevillée sur moi-même. Le bercement des cordes m’oublie, l’infini se semble vouloir se suspendre. Quand il saisit mes cheveux - référent personnel hautement intime - place ses cordes dessus et les utilisent pour fixer ma tête en arrière.
Spirale de moi-même, montée de dérive d’autant plus forte qu’elle s’était interrompue avec une sorte de violence. Je ne sens plus les cordes, j’appartiens à ce qu’elles sont dans une unicité qui n’est que l’évidence la plus totale.
L’éternité s’arrache à l’infini et de nouveau, je suis la limite de moi-même.
Encore un mouvement réflexe pour déglutir qui entraîne automatiquement l’arrêt immédiat de la contrainte. Les cordes tombent mais je n’en ai pas le souvenir, tout est flou.
Juste la proximité de N. et sa voix encordante : “ça a mis presque un an mais on a trouvé ta position”. Je ne sais pas bien de quoi il parle, c’est important pour lui alors acquiesce.

L’important pour moi à ce moment précis c’est qu’il souhaite continuer de me prendre dans ses cordes.
Il range ses affaires, il a manifestement autant de mal que moi à recoller à la réalité et moi, je n’y arriverais jamais vraiment du reste de la journée.
La charge émotionnelle de ses expériences nous a tous épuisé malgré notre satisfaction. un courant de sympathie et de respect mutuel nous anime tous et c’est sans doute le plus beau résultat que nous pouvions espérer.
 Une journée en forme de parenthèse dans des vies qui veulent se penser différemment et où l’expression de l’émotion reste comme une ligne de conduite.

La même journée/galerie par un autre œil.

Crédits : Cordes & photos couleurs par Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - photo N&B par Fab Crobard

samedi 27 août 2011

FIP 48

Bien des années qu’une FiP ne s’était placée dans mes cheminements.
Mais ceux-ci sont trop présents pour ne pas envahir la totalité de mon espace conscient.
Entre réponses et nouveaux questionnements tout prend une autre dimension.
Et puis, les nouvelles prises de conscience amènent aussi une vision comme neuve, tout peut potentiellement redevenir une « première fois » quelque part.

Drôle de FiP. G. qui nous accueille à la salle dans un discours désordonné où il est à la fois question de plaintes contre la salle pour nuisance sonore et de gars chargé de surveiller la soirée. Pas le temps, on est à la bourre et on doit tester notre nouvelle idée de configuration de salle. Entre routine et nouvelle installation, chacun œuvre dans son coin. H.&I. arrivent, A.S. aussi, on monte estrades, tables, chaises, portants.

I. crie : « Fab, il y a quelqu’un pour toi ! »
Je me souviens de P., que j’avais un peu oublié. J’essaye d’avancer au plus vite l’installation de la vidéo pour ménager du temps à Fab pour qu’ils causent « entre mecs ». Cela semble si important, cette histoire de connivence du genre, je me dis que pour Fab comme pour P., il est peut-être temps de parler hors d’oreilles féminines indélicates.
Une fois, la vidéo finie, je m’absorbe au fumoir. On a rangé tout n’importe comment à la dernière et il y a pas mal de choses à remettre en place.
J’installe le nouveau panneau qui fait l’unanimité – mais bon, ça je le savais, c’était une évidence quand il a été fini.
A part la « radio » c’est de loin la plus belle composition d’empreintes que nous ayons réalisée.
C’est même chouette, parce qu’il en reste encore deux à faire et que je pense que maintenant que nous sommes mieux dans le truc, le résultat sera intéressant.
Et puis à un moment, A.S. a fini d’installer son coin, plein de gens arrivent. Il n’y a jamais eu autant de monde pour installer une FiP. S. devait venir faire des photos mais c’était prévu et ce n’est même pas ça. N. arrive et me chope par surprise par le jeans me faisant lâcher un cri. Erf, pas ce soir, les trucs de « bête traquée » quand je me sens si proche de son état d’esprit entre J. et M.

L’installation se poursuit. Il y a un black qui se marre quand H. lui explique qu’il doit être au minimum « tout en noir ». Je ne crois pas qu’H. saisisse la portée comique de la situation quand il gueule au type que ce n’est pas drôle.
Moi, oui…
C’est le bordel avec le son, j’apprends que le chauffage est coupé et j’ai déjà froid…

N. me présente un couple de Tours, très sympathiques.
Ils me disent que N. leur a parlé de moi…
« Ah ?... euh… »
Mais sauf que moi, je ne sais pas ce que l’on dit de moi. Cela me donne toujours envie de me dandiner d’inconfort ces situations où manifestement l’autre en sait plus que moi sur moi. (Et ça recommencera quand R. nous fera sa « crise de fanitude ». )
Elle, surtout, elle en parle beaucoup, son visage s’anime quand elle en parle, elle voudrait faire passer quelque chose que je ne saisis manifestement pas.
Peut-être de l’ordre de ce que V. disait à propos de mon « soi-disant » légendaire lâcher-prise.
Je ne sais pas, je sens bien que ça aussi c’est dans le « non-résolu » pour l’instant.
Elle dit que N. leur a dit qu’il s’était passé « quelque chose » et il y a presque de la vibration dans sa voix quand elle le dit.
Et cette vibration ne peut venir que d’une conviction acquise soit de ce qu’elle a vu de moi avec N. ou de ce qu’elle a entendu de N.
Mais cela restera de l’ordre de la question.
Lui, plus distant dans la verbalisation directe mais plus ouvert dans la CNV.
On parle cordes, je dis que j’aimerais essayer avec une femme, elle dit qu’elle commence à apprendre. Il propose que plus tard, je ne décline pas même si c’est évident que ce n’est pas vraiment à ce genre de femme à qui je pense.
Je verbalise mieux sur la contrainte depuis que j’ai compris jusqu’où cela allait se nicher, au point d’aimer porter une jupe longue serrée en bas…

J’installe en leur retombant régulièrement dessus. On discute un peu, comme ça, en papillon comme on apprend.
A. sort de magnifiques cordes noires, d’un noir profond.
Elles ont comme une sorte de vibration, quelque chose de sensuel qu’il faut que je les touche.
Ce n’est pas souvent que j’ai besoin de toucher la corde avec ma main.
Mais ces cordes noires, la profondeur de la couleur – surdose de teinture de l’aveu de l’auteur – a quelque chose qui appartient à l’acid, je crois que c’est ça qui m’attire.
Il parle d’en faire des rouges, et je les vois dans mon esprit, ce rouge profond qu’elles pourraient avoir et pour un peu, même ces cordes imaginaires j’aimerais les toucher.
Et l’esprit fatigué rebondi sur les mots du report, être attachée sous LSD…
Rien que l’idée ferait partir en bad l’essentiel de l’humanité ^^
Et pourtant, Sentir les Cordes couler, Se dissoudre dedans… Je ne dis pas monter l’acid dans les cordes, trop hard avec les crises de speed, ça oui c’est un coup à mal partir.
Mais après, une fois l’acid monté quand le monde est différent, plus souple, plus doux, plus coloré… Tiens peut-être même qu’on verrait les cordes en couleurs.

Je ne sais pas si la corde fait le même effet à N. ou si c’est moi qui lui « transfère » mon trouble. Mais il prend la corde et mes avant-bras dans un seul et même mouvement. Et commence à enrouler la corde en partant des bras. Je sens ma propre induction monter, je crois que je m’excuse auprès du couple avec qui je parlais.
Mon regard croise celui d’A. au moment où il me dit : « ça se voit ». Et si je n’avais pas décroché à ce moment-là, je lui aurais volontiers demandé de préciser ce « quelque chose » et ce « ça » auquel il semble si évident de faire référence…
Le mouvement de N. se suspend, pour prendre une autre corde.
L’analogie liquide est une référence essentielle pour les cordes, pour moi.
Je sens les vagues de cordes et chacune peut m’emmener plus loin ou me ramener, comme une vague. L’esprit se calque sur le rythme de l’encordeur et chaque passage d’une nouvelle corde est une sorte de crête de vague qui peut ramener autant qu’emporter. Laissant une fraction de seconde à la conscience pour saisir la réalité.
Ma crête de vague prend la réalité d’une phrase où il dit qu’il voulait seulement essayer mais vu moi, il va en passer quelques autres. Et j’ai envie de protester que ce n’est pas juste ! S’il existe Une personne qui me connait dans les cordes c’est forcément N. Sans parler de l’habitude de se côtoyer dans ce genre de jeux, c’est le seul qui reçoit systématiquement mes mots, après. Sans relire mes reports, j’ai forcément déjà parlé de mes « points d’Achille » des cordes. Il sait évidement que passer une corde sur mes bras, sous mon pied ou entre mes doigts, induit une vague à laquelle je ne souhaite pas avoir à résister.
Le jeu s’arrête comme il a commencé sans que je n’y comprenne vraiment rien.
Un peu avant le début de la soirée, Nico propose de m’attacher. Il prend mes mains par le devant. Il passe sa corde sur mes poignets joints devant lui, je regarde le lien, je lui souris, il y a cette connivence évidente entre nous dès qu’il y a une corde. Sa CNV à lui.
Là aussi, il y a quelque chose de la « première fois », le sens symbolique/ mon sens symbolique des choses n’est plus brouillé. Et c’est sûrement ce que j’essaye de lui faire passer dans ce regard, je sais pas. Mais c’est sûrement Le moment le plus important de cette soirée. Une fraction de seconde où « il se passe quelque chose ». Zut, voilà que je parle cryptique moi aussi…
Rationnellement, je n’arrive pas à penser que cela puisse vraiment dépasser le cadre des protagonistes. Admettons que le phénomène ne soit pas seulement issu de l’imagination de l’un mais que les deux partagent vraiment quelque chose, comment cela pourrait être visible aux yeux des autres quand il s’agit seulement de ressenti…
Pourtant je le verrais bien moi aussi ce « quelque chose » entre deux personnes plus tard dans la soirée… Et d’un coup l’évidence me frappe le front… Moi des « quelque chose » j’en vois rarement, presque jamais, sauf hier entre G. et R… Ce qu’il y aurait entre N. et moi serait de cet ordre ?...
Idée contrariante, trop loin de ma réalité.
N. continue son jeu de cordes, il refait ce truc un peu dingue qu’il m’avait déjà fait.
En passant trois cordes successives puis en retirant la première sans toucher aux deux autres. Et ramènes mes bras en arrière. J’adore quand il fait ça, ça a quelque chose de vraiment magique.
Comment quelque chose qui semble si solidaire pourrait bien se détacher si facilement. Et je me dis que c’est pour cela que je n’arrive pas à avoir vraiment envie d’apprendre les cordes, ça casserait ma « magie ».
Puis il m’entraîne au sol et continue de me bercer dans des vagues successives. Une vague me ramène et j’accroche une phrase de G. :
« c’est différent d’hier avec… ».
Je ne retiens pas le nom et là encore, le cryptique « c’est différent » ? Mais quoi donc…
La voix de N. derrière moi « chaque jour est un nouveau jour ». Et les cordes qui se serrent.
Je me souviens vaguement avoir dit que j’aimais que les cordes serrent mais peut-être pas à lui.
Les cordes m’enserrent, même pas besoin de bander les muscles pour les sentir, la spirale m’emporte. Alors que je sens un subtil inconfort sur la clavicule gauche où je suis en appui sur la corde.
Quelqu’un – N. ? – a mis quelque chose sous ma tête, c’est une attention qui m’étonne toujours dans les cordes. Le travail au sol, c’est plus avec A.S. que j’ai l’habitude et A.S. ne prend pas ce genre de précaution. L’inconfort reste en sourdine et j’ai trop l’habitude de gérer une douleur constante pour y prêter une véritable attention. D’autant que N. mobilise mes sens ailleurs, sensation play.
Ma spirale se matérialise dans une onde de frisson qui part de sa main sur ma nuque – encore un de mes talons d’Achille…
A partir de là, les vagues ne me ramèneront plus, N. continue de m’emmener plus loin mélangeant les vagues de cordes avec celles des frissons.
Je me souviens d’une pose qui me rappelle une photo que j’ai aimé sur FetLife que l’esprit note en spectateur de lui-même avec une sensation très typique de l’hypnose : EMC, mon amour.
Tout le reste n’a pas de vraie réalité, douceur, paix, calme, chaleur.
Je ne m’appartiens plus vraiment, j’appartiens à une sorte de tout, mu par une volonté qui n’est pas la mienne. L’univers n’est que sensation, le temps n’a plus de sens. Il faudra vraiment que je prenne le temps de détailler le subspace des cordes/de la contrainte.
Il n’y a pas cette lutte contre soi/ sur soi comme dans les jeux de percussions, il n’y a pas de vagues d’endorphines à monter, juste un doux bercement.
Quelque chose de vraiment hypnotique chez moi, à se demander si cela ne vaudrait pas la peine de tenter d’implanter des suggestions post-hypnotiques à ce moment-là. Erf, il n’y a que moi pour toujours penser à mélanger les EMC…

Et l’inconfort devenu douleur, pulse. Il focalise mon esprit dessus et prend sa pleine existence. Il faut revenir, c’est dur, désagréable. Comme quand il faut lutter sur l’acid pour retrouver la lucidité, un véritable effort de volonté.
J’ouvre les yeux, je ne distingue pas grand-chose, mais j’ouvre jamais les yeux alors j’espère que cela pourra suffire à attirer l’attention.
L’effort m’assomme et les yeux se referment d’eux-mêmes.
Pulsation de douleur, je hais mes clavicules trop saillantes où la corde mord.
Nouvel effort de volonté, mobilisation générale de la conscience encore active, ouvrir les yeux et appeler N.
Je ne parle jamais, je sens bien que cela le déroute.
J’explique pour ma clavicule.
Les cordes dansent à une vitesse stupéfiante, mes vagues refluent à une vitesse vertigineuse, le monde reprend réalité trop vite. N. me dit quelque chose que je ne comprends pas, il le voit et me traduit des excuses. Je trouve ça idiot, pourquoi il s’excuse ? Moi aussi, c’est ma faute. Et puis faute de quoi ?
La faute c’est un truc volontaire et aucun de nous n’a eu vraiment envie que ça arrive.
La percussion avec la réalité me donne toujours une sorte de dizaine de minutes où une sorte d’automatisme prend le contrôle.
J’agis, j’arrive à bouger normalement mais je suis toujours en mode « spectateur de moi-même ». Si je ne profite pas de ce sursaut pour bouger - surtout en soirée -, après c’est mort. Je pars en tremblements et l’émotion prend le pas. Biochimiquement, je me demande si la fin des cordes ne correspond pas à une décharge d’adrénaline, un truc animal du cerveau reptilien pour avoir l’impulsion de fuir après avoir été captif. Et je sais que si je n’utilise pas de suite cette sorte d’élan, après je pars en trop plein, tremblements, idées brouillées, gestes incohérents.
Du coup, je ne sais même pas si je remercie N. correctement. De toute façon, tout est si loin.

Après, il y a les shows à enchaîner.
Et M. qui finalement se matérialise lors d’une des absences de Fab. Charmeur charmant, déroutant avec son côté apparition/disparition, un côté diablotin sorti d’une boîte aux allusions équestres sans ambiguïté.

A un nième moment où je sors mourir de froid dehors pour fumer. En rentrant, il y a A.S. et U. qui font des cordes dans le dos d’I. Je passe en souriant et A.S. m’attrape par les bras en arrière. C’est idiot, j’ai encore mon blouson et je lui dis. Il continue de placer ses cordes en récupérant celle qui était sur U. Et ouvre mes couches successives de vêtements en solidarisant le tout avec les cordes. Un jour, ce type arriva derrière moi et me mettra un sac sur la tête, c’est une évidence à ce moment-là. Il a fait une sorte de poignée avec mes bras et il me téléguide dans la salle. Les idées sont désordonnées ou inexistantes. Gel mental.
Il me jette presque par terre, pas de coussin pour ma tête cette fois… A.S., quoi. Les cordes, la chaleur de la salle qui monte le joint que je viens de fumer… Les gestes d’A.S. continuent de me bousculer, à un moment une vague me ramène, je sens ses mains dans mes cheveux qu’il attache en arrière. Je devine une position que je connais : hogtie.
Je m’étonne toujours à reconnaître les passages de cordes.
Ma spirale me berce, les cordes sont d’une présence obsédante, j’aimerais sortir de moi-même pour les toucher comme pour vérifier ce que je ressens. Une main en papillon sur les miennes. Et les cordes tombent sans avoir fini de m’emmener. Je ne comprends pas.
 A.S. m’explique que mes mains étaient froides… Ah, ça…
J’essaye d’expliquer que c’est le LSD mais les idées s’embrouillent et les mots avec.

La soirée s’étire, j’ai froid comme rarement et cela m’épuise.
A noter, la petite sirène qui fait le bel effort d’oser affronter Fab pour venir jouer sur mon émotion. Trop fragile pour moi, les sirènes, même si elles m’émeuvent.

Drôle de soirée.
Pour la première fois, je touche du doigt les limites des cordes en lieu public.
Et c’est précisément parce que cette limite n’est pas où je le pensais qu’elle m’étonne.
Ma limite ce n’est pas les autres, j’ai une volonté d’abstraction sur la réalité qui peut les faire disparaître. Non, ma limite est après les cordes, quand on a juste envie de se poser calmement avec l’attacheur et qu’il faut faire de la place aux suivant(e)s.
Une sorte d’arrachement de soi qui empêche de vivre/terminer pleinement l’expérience.

samedi 28 mai 2011

FIP 46

12 jours en alerte orange, une tenue de soubrette en vinyle offerte par Ilo et des ongles assortis.
Un train trop long en retard et la foule des inconnus qui s’éveille quand on est poli avec.
Arrivé à la salle sans être les derniers et mise en route de l’installation.
Moi je bougonne contre le froid avec le souvenir vivace de la précédente soirée à la même date.
A.S. doit s’en souvenir autant que moi et me soutient auprès de H. qui sent forcément moins le froid avec son verre de whisky à la main…

Installation laborieuse. A 20 h, les sandwichs arrivent et on n’a pas fini d’installer le fumoir, c’est bien la première fois… Par contre, on a le même son partout et ça aussi, c’est bien la première fois. Et il fait toujours froid. Mais le temps file, il est 22 h, faut se changer, allumer les bougies. Et ça démarre, on y croit pas vraiment nous-même, trop froid.

N. arrive, il suggère naturellement un jeu de cordes, salue quelques personnes et revient me proposer de m’attacher.
Prise de contact, on cause un peu.
Il s’étonne de mon dos anormalement détendu pour ce qu’il en connait. Je repense au déplacement de la semaine passée. Je lui parle de mon métatarse en lui montrant de quel os je parle.
Et sans que je sois vraiment capable de faire une différence entre le temps de parole et celui des cordes, il prend mes poignets et les joint dans un geste naturel.
Pourtant c’est évident qu’il s’agit d’une posture de contrainte, je sais pour l’avoir vu que certaines personnes ne supportent physiquement pas qu’on leur prenne les poignets ainsi.
Et là, c’est naturel pas seulement pour moi ou pour lui, quelque part c’est tellement logique entre nous que ça tiendrait presque de l’automatisme - sans connotation péjorative mais plutôt dans l’esprit de « je le fais sans y avoir besoin d’y penser vraiment ».
Je trouve aussi qu’il est plus calme, quelque chose de plus posé dans les gestes, ça n’en change pas la précision, juste une incidence sur la rythmique quelque part.
La corde coure sur mes poignets, il replie mes avant-bras et passe autour des épaules. Je parle encore avec N. et A.S. quand la corde passe sur mes bras. Je ne lutte pas vraiment contre le pouvoir inducteur, sur moi, des cordes autour des épaules, je ferme les yeux dans un automatisme propre à l’hypnose. Isoler les bruits, ne retenir que la tonalité de la musique, la laisser calquer son rythme sur celui des cordes, ressentir les frôlements des passages de cordes. Se bercer dans la douceur d’un geste sûr et réconfortant, bander les muscles pour ressentir la tension des cordes et deviner leurs dessins sur le corps.
Toujours cette sensation que N. tisse un cocon de cordes.
Un geste incroyablement émouvant quelque part dans ce rempart de cordes qu’il dresse entre le monde et moi, une autre façon de voir son jeu de cordes qui ne m’avait pas frappée avant.
Toujours l’asymétrie des positions qu’il travaille, propre à son style et significatif de sa maîtrise que je ressens en focalisant mon esprit sur le ressenti. J’ai la sensation d’un jeu de cordes compliqué sur mon flanc droit, j’ai l’idée saugrenue de toucher pour mieux saisir la complexité des passages quand je réagis que mes mains sont liées à l’exact opposé de l’endroit en question et qu’il est seulement inutile d’agiter les doigts pour espérer sentir quoique ce soit.
Bêtement, je pense que j’aimerais bien avoir une 3° main…

L’air se modifie autour de moi et N. me mène au sol. Cela m’étonne toujours venant de lui, il ne m’a pas habituée à travailler au sol – avec moi, du moins. Il s’empresse de mettre quelque chose sous ma tête, ça aussi, ça m’étonne toujours ; je n’ai pas choisi d’être le genre de femme à qui s’adresse ce genre d’attentions, ça n’appartient pas à mon univers.
Il joue de mes sens et je m’emmêle dans le flot des souvenirs. Je sais qu’il me fait passer par plusieurs positions et si je me concentre sur cet élément du souvenir j’isole facilement 3 ou 4 pauses, debout, au sol, les pieds suspendus, les jambes repliées mais sans vraiment savoir si l’ordre est le bon. Je sais qu’il fait des « choses » avec ces histoires d’énergie que je ne comprends pas, parce que je l’ai senti se « connecter » sur mes genoux.
Je me demande dans quelle mesure, mon affaire de métatarse l’a fait se « brancher » sur mes jambes. Comme je m’interroge légitimement sur l’influence de son intervention dans le fait que mon os finira par se réaligner de lui-même dans la soirée.

La sensation aussi qu’à un moment, il n’a pas aimé la coloration de ma peau ou son ressenti sur les pieds parce qu’il y a une coïncidence trop évidente entre ces frôlements sur mes membres et les cordes qui se dénouent.
La sensation de la corde qui passe en étrier sous mon pied, aussi forte en induction chez moi que la corde sur les épaules. Faudra quand même que je me documente sur l’intersection entre hyper-vigilance et hypnose.
Et cela m’interroge quand même face à d’autres épisodes de ma vie, cette facilité à l’auto-induction est-elle vraiment une sorte d’aptitude naturelle ou quelque chose qui aurait été exploité dans d’autres tranches de vie où mes souvenirs sont plus absents ?
Et toujours ce côté plus calme chez lui qui me laisse un peu de temps pour m’explorer dans les cordes ou est-ce moi qui suit plus disponible à moi-même ?

Étrange relation en pointillé qui s’est instaurée entre nous où les deux progressent en parallèle et se rejoignent par des sortes de bond, une progression en saut comme un influx nerveux.
Étrangement, je n’ai pas de souvenirs des cordes qui s’ôtent.
Juste à un moment, il me redresse et il n’y a presque plus de cordes sur moi.
J’ouvre les yeux vers le mur, la lumière crue m’éblouit un peu, je cligne pour ajuster ma vue.

La soirée a continuée à s’emplir, c’est toujours étonnant de constater que le monde ne s’est pas arrêté quand on a eu la sensation de paralyser le temps.
On discute encore un peu, échange rapide de nouvelles et d’impressions.
Congratulations mutuelles et le temps reprend sa course.

Premier et dernier jeux de cordes de la soirée dont la prise de conscience sera une déception douloureuse en forme d’eau salée sur mes joues. Retour cruel à moi-même, constat affligeant et désespérant.

Le reste de la soirée filera entre les mégots à ramasser, les verres à empiler, les pauses clopes dehors et les échanges verbaux plus ou moins conviviaux.
Drôle de soirée : épuisante.
Satisfaisante dans son état de soirée mais peu gratifiante à titre personnel.

samedi 26 mars 2011

FIP 44

Bizarre de faire une FIP et de ne pas avoir de report à t'envoyer.
Faut dire que ton absence y est sans doute pour quelque chose.
Et puis tellement de choses ont évoluées depuis cette première soirée, il y a presque un an où j'ai croisé tes cordes. Novice que j'étais à n'avoir approché que 2 encordeurs.

Mais depuis Fab s'est - enfin - mis aux cordes de manière assez concerné pour espérer que cela soit durable.
C'est encore une autre approche des cordes, d'abord parce que je lui apprends presque autant qu'il ne m'apprend.
La méticulosité du débutant empêche toute option de dérive au moins pour la mise en place des cordes. A l'inverse, je suis plutôt requise pour donner des impressions sur le positionnement des cordes ou leur tension. ça amène un détachement un peu clinique sur la chose, du moins ça détache de l'aspect affect et forcément ça permet une perspective nouvelle sur les passages de cordes, je reconnais les figures, j'anticipe les mouvements, ça me fait même sourire intérieurement de lire si bien l'écriture de l'encordeur moi qui était tellement ignorante il y a si peu.
Cette lecture des cordes m'amène logiquement à des options de "libération" qui ne s'étaient jamais vraiment présentée avant et m'offre une perspective sur le "bondage moderne" que je n'arrivais pas vraiment à saisir avant. C'est intéressant et différent.
Même si rien ne remplace le bercement instantané que génère celui qui Sait parfaitement où placer ses cordes.

D'un autre côté, j'ai finalement assouvie cette boulimie de rencontre en cordes.
Assimilée la réalité de l'homme derrière ses cordes et assouvie cette faim, je suis moins dans l'urgence et le rationnel reprend le pilotage - pour les cordes du moins.
J'arrive à dire non sans avoir l'impression de me priver d'une occasion inespérée.

Une drôle de soirée que celle d'hier qui commence avec de la pluie dans la salle - verrière fendue - et un A.S. qui arrive trempé et s'ébroue sur moi.
Et tout compte fait c'était bien l'ambiance de la nuit : moite, quelque part.

Mais il y a des soirées qui commencent typiquement avec ce sentiment de dérapage contrôlé et celle-là commençait comme ça. Un état d'esprit qui se conforme avant.
Remarque c'est très nouveau pour moi, avant ce genre de chose se passaient dans le brouillard de l'alcool avec l'excuse facile qu'il génère, aujourd'hui il y a ce sentiment de prise en main qui est très libérateur quelque part.
C'est étrange mais c'est bien la première fois que je ne regrette pas ce choix d'abstinence. Mais, je dérape.

Les cordes donc. A.S. n'avait pas pu venir avec la modèle qu'il souhaitait mais N. est arrivée en roucoulant qu'elle s'était entraînée avec toi et un autre et qu'elle était prête pour ses cordes.
Là, déjà d'emblée, ça part plutôt mal et je me dis qu'il vaut mieux anticiper.
Et comme maintenant, mon partenaire a le bon goût d'être encordeur, ça facilite les choses.
On profite du coin que s'est installé A.S., autant que des cordes à disposition et de ses conseils - pour Fab, sur la façon de tendre la corde en la tenant ou la manière de "perdre l'observateur" dans les passages de cordes.
Et là, encore j'apprends d'un angle bien plus pratique que jamais mais avec la sensation que cela m'apporte un œil extérieur et détaché que je n'aurais jamais pris seule.
Il y a ces échanges qui disaient que finalement à force de fréquenter les cordes, on finit par les manipuler.
Il y a ces modèles shibari que je connais et qui finalement manipulent les cordes au point d'intervenir dans la mise en place des nœuds sur elles-même par un autre.
Et il y a ces nœuds que je défais moi-même ou ces cordes que je range.
Il y a ces passages de cordes que je comprends et il y a ces images de cordes en moi qui n'y étaient pas avant.
C'est étrange et déroutant, encore une autre perspective et une que je n'avais pas vraiment choisi d'aborder, elle s'est plus imposée, peut-être par les circonstances.

Et je me dis que les cordes c'est sans doute comme le fouet, faut en connaître les 2 côtés pour pouvoir y jouer en pleine connaissance de cause.
Et ça change mon approche autant que mon œil sur les encordeurs.
Je ne connais pas le chemin des cordes, il me semblait facile et sans conséquence, il y a un peu plus d'un an de cela.
J'y place maintenant des implications plus grandes et un sens plus lourd, bien ou mal, ça correspond mieux à ce que je suis.
Les choses ont un sens, le hasard n'existe pas.
Et je sais que ce chemin s'est grandement parcouru "à tes côtés" d'une certaine façon, donc merci.

samedi 26 février 2011

FIP 43

Une FIP en pointillé, perplexes quand au changement de rythme, déçus du manque de transparence de la salle, nous arrivons sans vraiment savoir à quelle sauce on sera mangé.
Je sais que N. vient et qu'il souhaite m'attacher même si quelque part je ne sais pas bien comment me situer du fait de son annonce sur facebook.

Et encore cette question : que faut-il donc pour être un model shibari ? avoir moins de 30 ans ?
Interrogation centrale de la soirée qui se reposera quand A.S. arrivera avec A.
Finalement, les modifications de la salle jouent plutôt en notre faveur - enfin ! - surtout au niveau du son ; malgré tout I. a oublié mon bustier et mes jupes...

La soirée se poursuit en pointillé et j'ai presque envie de repartir, d'être le "illé" du "point".
Mais il y a FLESH et de véritables personnes motivées sur ce projet et Y. qui vient à sa première soirée fétiche. Mais, il y aura toujours un mais pour se servir d'excuse à l'espoir.
Je mets ma tenue de secours et en avant. G. me fait une remarque où il est question d'être un remix d'Alice aux pays des merveilles sous acid, H. me complimente comme chaque fois que je mets ce type de haut et L. s'exclame " à qui est ce ravissant petit cul" avant de me reconnaître.
D'accord la soirée ne part si mal.

N. arrive alors que je fume dehors en causant avec C., je lui fais la remarque qu'il est seul et il ne s'étonne pas que je parle d'une chose qui ne m'était pas spécialement adressée. ça ouvre une autre réflexion sur l'espace public et l'espace privé que je ne m'étais jamais vraiment posée en ces termes et qui est totalement out of topic dans ce report.
Assez rapidement, N. vient voir comment s'organiser face aux impératifs du line-up, je lui suis reconnaissante de sa prévenance et je retrouve le gentleman en lui c'est rassurant.
Lui aussi me parle de ma tenue et me remercie, gentleman, justement.

Il me propose un premier jeu de corde et prend contact avec moi à sa façon. Quelque part c'est comme avant, tout en étant différent, moins global et plus précis comme façon de faire, je mets ça sur le compte de sa formation en Thaïlande et il confirme en me signalant que maintenant il connait le nom des muscles qu'il touche.
Vague flash de mes cours d'anatomie, je n'ai jamais aimé l'anatomie même si c'était une des matières où les professeurs étaient les plus passionné. Le corps ne m'a jamais intéressé ce n'est que l'enveloppe/le véhicule, je préfère l'esprit, c'est un tort dont je connais parfaitement les limites mais c'est dans mes choix de vie.
N. commence à lier mes mains pour les positionner au dessus de ma tête. Une autre évidence s'impose. L'intention du bondage, jusque là sous l'influence de SL, j'en restais aux distinctions propres liées aux deux écoles : bondage moderne VS shibari et le fait d'isoler l'un ou l'autre suffisait à déterminer vaguement l'intention.
Mais il y a plus qu'une simple notion d'esthétique dans le bondage qu'il soit moderne ou non. Et cette façon de me lier les mains au dessus de la tête amène une dimension de punition évidente qui ne m'avait jamais frappée jusque là et donne une vision plus claire de son jeu de cordes.
Premier bondage depuis plusieurs semaines, j'essaye de m'abandonner mais il passe ses cordes sans prendre mes bras et cela reste ma condition sine qua none.
Je constate donc encore une fois, avec affliction, combien certains éléments - liés à mon propre vécu - restent essentiels chez moi. J'aimerais comprendre d'où cela peut venir, je sens bien que c'est à rapprocher d'autres souvenirs que ceux des menottes et chaque fois que j'essaye d'analyser ce fait, le seul souvenir qui s'impose c'est celui de J. en train de me ceinturer par derrière en immobilisant précisément mes bras, le soir où j'ai failli tuer ce mec au bar. Et chaque fois que je rappelle ce souvenir c'est surtout la rage aveugle qui m'habitait à ce moment qui me revient...
Finalement, les cordes de N. passent sur mes bras et le monde bascule dans une autre dimension où les cordes sont la seule réalité. La précision de son jeu de corde me submerge et me berce alors qu'il semble tisser un cocon pour moi. Il m'englobe dans son univers par vagues qui se calquent sur la régularité de son jeu de corde.
Encore ce rapprochement à l'hypnose.
Il reste extrêmement présent derrière les cordes ce qui amplifie l'impression que les cordes ne sont qu'un prolongement de lui-même, au-delà du simple outil.
Finalement, il commence à me bercer/balancer en m'appuyant contre lui et en utilisant mes mains liés au-dessus de ma tête comme centre d'équilibre. C'est étonnant d'être cette sorte de pendule, cela rappelle certains jeux où l'on tourne sur soi-même en appui dans une corde, c'est familier comme jeu, c'est rassurant, cela va avec le cocon qu'il a tissé, tout est logique et clair.
Si clair que je n'ai pas conscience que les choses s'arrêtent juste à un moment je suis contre lui et ses mouvements indiquent qu'il me délie.
J'aime ce qu'il y a entre lui et moi dans les cordes sans pourtant savoir le formaliser.

La soirée s'enchaîne sur FLESH avec l'arrivée de T., l'ampli n'est pas le même que l'autre fois, grande confusion et défaut de son. J'apprécie de voir les gens réagir au son même si je trouve odieux la façon dont certains s'imposent au milieu du set à la manière de "salut, je viens casser ton trip".
Plusieurs détails sont à revoir pour le prochain set mais nous, trois, on reste hautement satisfait de nos conneries et c'est quand même le but de l'histoire.

N. revient me proposer un jeu de cordes. Fab a pris une pause, le matériel est seul, d'un autre côté avec les shows la marge de manœuvre est faible. Je me dis que j'arriverais bien à jeter un œil dessus au moins au début. Grande erreur.
N. me passe presque d'emblée des cordes sur les bras. Je lutte sur moi-même et finalement dérive quand même c'est la lumière du spot que je reconnais du coin de l'œil qui me prouve que j'ai échoué tout en m'indiquant que cette fois, je peux décrocher.
N. commence à me lever une jambe en me laissant le temps de chercher mon équilibre, je suis contente d'avoir mis ses chaussures-là. Et je me demande si les encordeurs ont conscience de mon état second et de la difficulté que c'est de reprendre pied psychiquement pour pouvoir le faire physiquement aussi, c'est un peu comme si je devais retrouver mon équilibre en deux fois.
Et c'est peut-être cela aussi, être un modèle shibari : ne pas avoir à reprendre pied deux fois...
Et voilà que je me retrouve suspendue dans les airs d'une manière étonnante au fur et à mesure qu'il fait évoluer les liens.
Cordes par Yoroi (http://yoroi-shibari.net/)
Photo par Her-v
Cordes par Yoroi (http://yoroi-shibari.net/)
Photo par Her-v
A un moment, c'est comme si j'étais en apesanteur sur les cuisses, je sais c'est idiot à dire comme ça mais c'est la meilleure description qui me vient. Une autre façon de disposer de soi comme avec JD.
Je crois que mes mains finissent par être un effet limitant dans la suspension et qu'il voit mes petits mouvements pour lutter contre les picotements que je ressens.
Il me ramène au sol et entreprend de me détacher. J'ai vraiment apprécié ce moment de partage.
Et pour la première fois, je prends conscience qu'il a sans doute été attaché lui aussi pour connaître aussi bien les sensations qu'il donne et c'est une idée étonnante voire étrangère dans le ressenti que j'ai de lui.

La soirée se poursuit à un rythme effréné, tout le monde s'affaire quand à un moment je pars vider les mégots dans le fumoir. En passant devant A.S. qui attache la jeune fille venue avec A., il se lève et me hurle : "Toi, justement toi !".
Je bafouille confuse que je dois finir ce que j'ai commencé et il me dit de venir après.
Mais quand j'ai terminé il est toujours avec elle. J'observe de loin en attendant qu'il est fini. Quand il a terminé, je me présente devant lui en lui suggérant de se reposer deux minutes.
Mais non, il enchaîne sans même prendre le temps de me répondre en saisissant ma main d'autorité pour la placer dans mon dos, tellement lui quelque part.
Là, où N. place de la douceur et de la rondeur, A.S. met une impériosité sans discussion qui me désarme systématiquement.
Comme j'ai reconnu les passages de cordes doux et précis de N., je reconnais la façon de maintenir mes membres d'A.S.
Il y a ce jeu idiot d'adolescent où l'on doit se reconnaître dans le noir. Je n'aimais pas ce jeu, j'avais toujours peur de me tromper. Et pourtant, je crois que si je devais reconnaître des encordeurs par leur façon de passer leurs cordes, ça je crois que je pourrais le faire, du moins avec certains avec qui j'ai une sorte d'intimité.
No way, j'ai une sensation de reconnaissance quand ils passent leurs cordes, quelque chose d’intrinsèquement physique et presque viscéral qui est totalement nouveau pour moi.
Moi qui considère le corps comme une simple enveloppe, voilà qu'il serait plus que cela avec une sorte de connaissance propre.
A.S. part d'emblée à m'attacher avec sa nouvelle trouvaille - une sorte de tube en jersey de coton - qu'il utilise comme il avait utilisé son écharpe en larges bandes qu'il module avec de fines bandes en fonction du résultat qu'il escompte.
Il y a quelque chose de la momification dans ce qu'il fait et je m'attends - espère ? - presque à retrouver des sensations proches du saran wrap.
Sa manière de me maintenir le poignet haut dans le dos avant de le croiser avec l'autre me fait spontanément penser à SL et au bondage moderne. Mais A.S. me fait souvent penser au bondage moderne. Comme dans sa façon presque systématique de poser un bandeau ou un bâillon.
Il m'entraîne dans une succession de poses où je me perds moi-même.
Dont je ne retiens que quelques poses où il s'attarde à me maintenir la tête - je découvrirais sur la vidéo qu'il a joué avec mes cheveux et j'adore vraiment ce qu'il fait avec mes dreads, il me donnerait presque une raison de ne pas les raser. ça tient de l'acceptation globale de ce que je suis et c'est quelque chose que je reconnais rarement, mes choix capillaires ayant un sens social trop marqué.
Et dans sa manière de souvent prendre la tête dans l'immobilisation, je n'arrive pas à m'empêcher de rapprocher A.S. de Gord, sa façon de me manipuler à la manière d'une barbie géante, sa manière de placer mes membres comme il le souhaite exactement comme Fab doit le faire avec sa réplique 3D de moi tiennent définitivement de ma façon d'aborder la forniphilie.
Je reconnais aussi un hogtie dans les poses qu'il me fait prendre et c'est con mais je suis contente de savoir reconnaître quelques poses surtout quand on les fait sur moi.
A un autre moment, il me suspend les jambes en l'air et je repense encore à Gord qui utilise souvent ce genre de pose pour faire un fauteuil. Et alors que je crois que je ne m'étais jamais demandé si Gord était bondage moderne ou shibari, ben j'ai une réponse évidente qui s'impose à moi dans le jeu de cordes d'A.S.
Je dois aussi parler du passage de momification du visage parce que je sais que c'est un passage qui intéressera Fab ;-p qui connaît mes angoisses sur la respiration/l'étouffement. Pour aborder cet angle, il faut envisager plusieurs éléments dont le premier est la Confiance, celle que je suis capable de donner à celui qui m'attache. Je place une dimension SSC dans les jeux de cordes quand je viens mendier un jeu de cordes, j'accepte implicitement tout ce que l'encordeur souhaitera me faire comme il accepte implicitement de gérer ma sécurité, c'est le deal et si A.S. juge utile de placer des bandes sur mon visage - a fortiori nez et bouche - implicitement il accepte de gérer l'éventuelle panique que cela pourrait engendrer chez moi. Reste que l'étouffement m'effraye dans son ressenti, c'est ce souvenir de presque noyade en Italie qui alimente sans doute ma phobie et ce souvenir est précisément lié au ressenti physique du manque d'air, sensation qui se retrouve facilement avec du saran wrap sur le visage (nez/bouche) par exemple mais qui sera différente avec une étoffe où l'air peut passer.
No way, c'est plus de l'étonnement quand A.S. passe les bandes de tissu sur mon visage mais le même étonnement que lorsqu'il l'avait fait avec son écharpe, une sorte de "mais c'est pas vraiment attacher ça ?!" qu'une sensation de crainte.
Maintenant d'une autre façon, je pense que cela joue un rôle dans la distanciation que permet ce genre de "bandage" que ça soit dans la distanciation de l'attacheur - on en revient à la forniphilie - que dans la distanciation du modèle - isolée de tout.
En pour en finir vraiment sur ce thème, le jeu de nœuds avec A.S. m'a spontanément rapproché du souvenir du vacum bed. Et je note moi-même la contradiction de mon discours. Je parle de sensation de cocon avec N. mais je parle de vacum bed avec A.S... Et même si cela peut sembler subtile, franchement de mon point de vue, il y a des sensations absolument différentes dans les deux expériences et dans leurs intentions même.
Fin de digression, A.S. m'entraîne dans un tourbillon où j'ai parfois conscience de moi-même d'une manière suraiguë et d'autres fois totalement pas. Cela a quelque chose d’enivrant quelque part si on prend le temps d'y penser.

Et finalement, il arrache les bandes devant mon nez et ma bouche et je sens bien que c'est une sorte de levée de rideaux. Et même ce geste-là est impératif, quelque chose du prestidigitateur qui réveille l'hypnotisé.
Les liens tombent et le froid me gagne. Echange de gratitude mutuelle.
Je mets mon blouson en pensant à cette perle de soumise chez Khayyam Alamut : "ça tient chaud les cordes".

La soirée est presque finie. Il y a ce gars avec ce drôle de look qui se tient debout, A.S. avait dit qu'il le connaissait et je trouve pas ça juste si c'est un encordeur que personne ne soit allé le voir même si je trouve ses cordes vraiment bizarres.
Et puis, y'a aussi cette discussion avec SL qui me dit de ne pas juger sur les cordes et A. qui utilise des cordes d'alpinisme. Alors, je décide d'aller lui proposer un petit jeu de corde.
Il me dit quelque chose que je ne comprends pas bien quand il me répond :
"Moi, ce que j'aime faire c'est d'attacher les bras et de les suspendre à bout de bras".
J'acquiesce avec ma candeur naïve comme à chaque fois qu'il s'agit de cordes.
Sa corde est bizarre : épaisse et presque rigide, il peine à maintenir vraiment ses nœuds même si les figures qu'il fait sont d'un classique basique.
Il me parle, un peu comme JD la première fois, il commente ses passages de cordes et je ne sais pas bien si c'est à moi ou à lui qu'il parle vraiment.
Puis finalement, il place ses mains à deux endroits dans mon dos pour éprouver ses liens et me dit : "on y va !".
Et voilà qu'il me bascule sur sa cuisse et me soulève à bout de bras avant de me reposer.
Je suis stupéfaite, ce type tient de Conan pour moi maintenant.
Il me repose, teste encore deux points et me re-soulève de la même façon.
On continue de parler pendant qu'il me détache, il se présente comme geek et parle un peu comme pourrait le faire Sheldon. J'ai rencontré le Sheldon des cordes !
Il me parle même d'utiliser du câblage informatique comme cordes ou de cordes qui clignotent en s'alignant sur les battements du cœur. On échange nos coordonnées, voilà un individu à pouvoir étonnant hautement intéressant.

Et finalement, la soirée se termine, la salle est dans un état invraisemblable et nous aussi.
Le rangement sera un enfer qui me filera une sciatique qui me tient encore le lendemain.
Une soirée comme on les voudrait toutes.

 A qui de droit. Envoyé sans relecture après 8 heures de sommeil en 48 heures, en demandant l'indulgence du jury.

mardi 15 février 2011

Besoin de cordes

Quand à l'auto-bondage, c'est amusant de te lire formuler mon principal obstacle.
Eh oui, comment me laisser dériver dans des nœuds que je dois moi-même mettre en place et surtout comment me surveiller moi-même tout en dérivant... Vaste débat.

Cependant, j'ai du mal m'exprimer.
J'ai bien conscience que je ne retrouverais pas les mêmes sensations - et même cruellement conscience pour être honnête.
Mais j'ai Besoin d'expérimenter les cordes, j'ai Besoin d'éprouver les cordes, mais vraiment Besoin, quelque chose de profondément viscéral et de particulièrement nouveau pour moi.

A la vérité, je ne me suis jamais considérée comme une fétichiste.
J'aime le touché du latex autant dedans que dehors, j'aime sa façon de sculpter les formes mais je n'aime pas avoir à me tortiller pour y entrer, je n'aime pas être toute moite quand je le retire, je ne trouve pas son odeur particulièrement déplaisante ni même plaisante et du coup, ça me viendra pas à l'idée d'en mettre "juste comme ça". Juste parce que j'aime bien le latex mais je ne suis pas fétichiste.
Mais à force de trainer avec des fétichistes, on se renseigner, on écoute, on échange, on apprend et finalement, j'en étais arrivé à la conclusion que je n'étais pas de nature fétichiste. Et c'est pas grave, j'ai bien d'autres vices.
Et puis le bondage - avec des cordes - est entré dans ma vie "en vrai".
Et j'ai déjà un affect particulier au chanvre en plus dont il serait naïf de ne pas tenir compte.
La toute première fois que j'ai porté des cordes, elles n'étaient pas en chanvre. Et quelque part, je pense que c'est une chance qu'A.MoR. travaille la corde de sa façon toute personnelle parce que justement on était très loin du shibari. Et que ça m'aurait donné trop d'informations pour une première fois.
Ensuite, il y a eu la soirée avec A.S. qui m'a fait "survolé" les options des cordes en seule nuit avec des cordes de chanvre. Première étape.
Et enfin, ta façon de poser comme une sorte de cocon sur moi. Toutes ces étapes m'ont aidée à progresser dans la vision de ma relation aux cordes, chaque nouveau jeu de corde est une manière d'apprendre sur moi.
Et finalement, Fab a préparé ces propres cordes et c'est là que c'est posé l'évidence.
J'aime le contact, j'aime la douceur d'une corde bien préparée ou beaucoup utilisée, comme j'aime aussi la corde moins préparée avec encore quelques fibres accrochées dessus mais surtout j'aime l'odeur. Et si ça c'est pas typiquement du fétichiste, je veux bien être pendue - avec une corde en chanvre ;-) - sur le champs.
Et quand je dis "j'aime", je veux dire que la façon dont cette odeur me tourne la tête est tout sauf innocente.
Et c'est pour cela que j'ai Besoin de m'éprouver dans les cordes, Besoin de poursuivre ma recherche dans cette direction pour finir de démêler les nœuds quelque part.
Et si l'auto-bondage ne me permettra jamais d'atteindre ce "légendaire" lâché-prise, cela serait une sorte de substitut pour assouvir ce Besoin.

De toute façon quand Fab me passe ses nœuds, je ne suis pas beaucoup plus libre. Il commence, il faut encore guider ses passages de cordes, signaler une mise en place trop serrée, enfin bref, se surveiller pour l'aider et donc "ne pas vraiment profiter".
Mais cela fait parti du jeu et c'est une autre approche des cordes où j'apprends les passages de nœuds et où l'intimité me permet de passer mes mains sur les cordes - quand elles ne sont pas immobilisées - pour sentir les nœuds sur moi - action de la plus haute impudeur vue d'une certaine façon pour moi du moins.
Et puis, ça n'est qu'une vague idée face à un Besoin qui me tourne la tête, je me dis que c'est toujours mieux d'apprendre les nœuds que de sniffer les cordes, non ? :o)

[...]

J'ai "besoin" de ces images vidéos/fixes, je décroche vraiment très rapidement dans les cordes et si je n'ai pas ces images, quelque part, je ne sais pas ce qu'il s'est passé.
Et j'ai l'impression que cela n'est pas très respectueux pour l'autre d'avoir si peu conscience de son travail et aussi, égoïstement, j'ai l'impression de "rater" une partie du truc.
Et pour aller au bout de l'aveu, sans les photos, je n'aurais jamais su quel regard tu posais parfois sur moi en passant tes cordes et c'est un précieux réconfort que de connaître ce regard.

Extrait de correspondance.

samedi 22 janvier 2011

FIP 42

Tout commence vraiment avec un mail d’H. pour me prévenir de la présence de deux encordeurs : F.JD. et A.S.
Coup au cœur.
Malgré l’énorme intimité développée avec N. qui donnent à nos jeux de cordes une complicité spontanée, je garde un souvenir ému d’A.S.
D’abord parce qu’il nous a donné notre première corde et que sans celle-là d’autres ne seraient pas venues s’y ajouter, ensuite parce que mo play-partenaire a bien accroché que lui et A.MoR. et surtout parce qu’il avait su généré des sensations profondément touchantes pour moi.
Je flotte sur un petit nuage de joie chantonnante et je brûle d’impatience de confronter mon premier ressenti à une nouvelle expérience.
Un peu comme après le premier acid, on se demande si ça fera vraiment pareil - entendre aussi bien - au deuxième.
Finalement avec tout le bordel à ramener, c’est plus simple de venir en voiture, donc on arrive en avance et on squatte chez H. en attendant.
Arrivée devant la salle, porte close, coup de fil habituel à B., tambourinage à la porte et finalement à la place de B. c’est A.S. qui arrive.
Tralala !
On installe tous ensemble et entre M., T., A.S., le nombre de mains supplémentaires se fait bien sentir et sans les galères de punaises et de son, on aurait sûrement pu se poser vraiment tranquillement avant le début.

Là-dessus, la fermeture de mon bustier décide de lâcher, Melle Ilo me dépanne d’une robe pour laquelle, je finirais bien par craquer.
Je reviens dans la salle, à un moment, N. se matérialise devant moi, mais il y a encore une galère à gérer et je dois partir bricoler un truc. Quand je reviens, j’ai l’impression que N. a monopolisé la place qu’A.S. s’était installée comme il l’avait déjà avec F.JD., malgré mon affection pour lui, c’est une attitude qui m’agace. Je proteste mais A.S. assure que tout va bien.
Enfin, la soirée finit par commencer. Assez rapidement, A.S. vient me proposer un jeu de cordes et cela m’arrange avec la programmation de FLESH sur la soirée, je ne serais pas aussi disponible que je peux l’être.

Il me regarde dans les yeux en retirant sa gigantesque écharpe tout en me disant :
“Les cordes, c’est pour les filles”.
Et sur le moment, je ne comprends pas bien à quoi il fait référence, je vois surtout cette incroyable écharpe qui n’en finit pas et qui donne une image similaire à celle des cheveux de Raiponce. Et il faudra que je regarde si l’analyse psychanalytique de ce conte parle de lien.
Puis il me prend les mains dans le dos avec ses gestes fermes et définitifs qui appartenaient au souvenir qu’il m’avait laissé. La réalité se confond avec la mémoire et prend un côté de dédoublement, réalité du souvenir renforcée par la réalité de la sensation. L’esprit s’embrouille lui-même alors qu’A.S. me laisse glisser au sol d’une manière que je comprendrais vraiment qu’en la voyant en photo.
Et logiquement, je compare mentalement les deux façons de mise au sol que j’ai pu côtoyer. Cette façon de me glisser au sol en m’appuyant contre lui de N. tout en accompagnant mon mouvement et celle d’A.S. où le lien physique devient autre chose comme une sorte de prolongement de lui-même.
C’est subtil mais tellement essentiel comme différence que j’aimerais vraiment mettre des mots corrects dessus.
Et je touche vraiment du doigt, ces longues conversations via forum sur les différentes approches et les deux grandes écoles même si je reste convaincue que c’est encore trop réducteur.
Une approche qui se centre principalement sur l’esthétique et sur le show, qu’il s’agisse de ses mouvements théâtralement exagérés, de sa tenue ou des postures qu’il donne.
Alors qu’effectivement, A.S. s’absorbe plus sur l’efficacité des liens.
Dans les deux cas, le résultat pourrait être le même, puisque finalement les deux ambitions se joignent dans le bondage, celui qui cherche l’esthétique aura quand même des passages de cordes contraignants et celui qui cherche la contrainte aura quand même une recherche esthétique.
Mais au final, le ressenti sera totalement différent.
Et d’une certaine manière assez simpliste, on peut aussi en tirer des conclusions pas complètement dénuée de sens. Celui qui cherche l’esthétique se centre sur lui-même et l’image qu’il donne pour compléter son tableau idéal du show alors que celui qui cherche la contrainte, se centre sur les limites des mouvements du modèle et donc sur le modèle.
Quelque part, l’un donne l’illusion de faire ce que l’autre fait réellement. Et si je tire le fil de ma pensée, les mots se mettent en place seuls. L’un est un artiste alors que l’autre est un artisan.
Et voilà que l’étymologie même des termes me renvoie à ma propre conviction. Artisan : celui qui met son art au service d’autrui. Bref, fin de digression.
 II me place au sol en utilisant le lien comme le fil d’un marionnettiste et là encore, il y a beaucoup à dire. Depuis le temps, j’ai quand même eu l’occasion de largement me pencher sur mes affinités avec le BDSM, de tirer tous les fils des associations d’idées que cela créait et je pense avoir une idée assez claire et rationnelle de mon relationnel à ce type d’échange. Je connais les déclics en moi et j’en connais l’origine pour la plupart. Et ma révérence immodérée pour Gord et sa façon de développer la forniphilie n’est pas plus un mystère depuis longtemps. J’ai d’ailleurs beaucoup avancé sur nos propres projets personnels avec mon play-partenaire à ce propos. Finalement, nous étions tombé d’accord sur le terme “outil” plutôt qu’objet. Et l’on retrouve encore cette idée d’artisanat.
No way dans les mains d’A.S., je me sens objet, outil, pantin, marionnette.
Et sa façon de m’amener à terre est typiquement la meilleure illustration de ce que j’essaye de formaliser avec des mots. Dix milles idées s’entrecroisent dans la brume de l’esprit fatigué sans vraiment réussir à aboutir pour se formaliser mais tout en revient toujours à cette idée d’artisan et d’objet. Et cela ouvre encore dix milles voies d’interrogations.
Une fois au sol, il saisit mes cheveux pour les prendre dans le bondage. Je repense à notre conversation avant la soirée quand je lui parlais de F.JD. et de son essai de bondage avec des cheveux.
Et cela me confirme dans la certitude qu’un bondage s’interprète un peu comme un rêve comme je lui suis reconnaissante de s’attarder assez sur mes paroles pour en noter ce genre de détail.
C’est amusant quelque part de penser qu’A.S. est l’homme de mes premières fois en bondage. Mon premier bondage “à porter”, ma première véritable suspension - avec A.MoR. c’était différent, rien qu’avec l’encadrement de la porte qui me servait d’appui -, mes premiers véritables jeux de cordes et là encore, le premier à prendre mes cheveux dans ses liens.
Et c’est quelque part, une chance que ça soit lui. Je dois bien connaître une petite dizaine d’encordeurs maintenant, enfin une petite dizaine que je connais de manière assez proche pour me faire une idée de leur jeu de corde et c’est une évidence qui ne souffre pas de discussion. J’aime définitivement sa façon d’user des liens, sa façon d’être et je devine que ce qu’il passe dans ses cordes reflète une personnalité profonde avec laquelle je me sens une sorte de communauté d’âme. Et c’est presque miraculeux que le hasard l’ait placé sur ma route pour me donner ces premières expériences même si fatalement, cela laisse peu de chance aux autres derrière...
Je veux dire, je suis touchée par la méticulosité soignée de F.JD., j’apprécie la maîtrise technique de N. et j’adore le jeu kinky-provocant d’A.MoR. alors que je suis incapable de dire précisément ce que j’aime avec A.S. tant cela couvre de nombreux aspects allant de sa façon englobante de passer les cordes, à sa manière de maintenir mes membres pour les attacher, jusque dans sa façon de serrer à m’en laisser des marques ou encore sa manière de simplement tresser une corde en attendant le début de la soirée.
Il y a tant de choses qui le détachent des autres à mes yeux que je me dis qu’il y avait quelque part assez peu de chance de le rencontrer et c’est le genre de rencontre qui réconcilie avec la vie.
Si tôt l’emprisonnement de mes cheveux, le tissu passe sur mes yeux puis dans ma bouche. Forcément, je pense à J. et c’est la dernière bride de pensée rationnelle qui me reste.
Les muscles se bandent et ressentent la vérité de la contrainte dans les bras et c’est mon essentiel. Je bascule au moment où il me bascule sur sa cuisse.
Je ressens cette sensation de “bétail” qui m’avait si fortement impressionnée avec lui, la première fois. Et il m’entraîne dans une sorte de spirale où je flotte entre différents états sans savoir vraiment dans lequel je suis.
Hyper-vigilance aux liens quand il a le génie de les passer sur des endroits-clefs pour moi, typiquement les bras ou le pied en étrier, dérive dans les cordes quand ses mouvements sont moins chargés de sens symbolique pour moi, réceptivité à sa volonté pour tenter de faciliter les passages de cordes quand j’ai la sensation de pouvoir aider.

Comme dans ce souvenir si précis, il m’entraîne dans une succession de poses dont je ne saisis pas la finalité et qui me laisse totalement désarmée face à lui. Et c’est là que l’évidence s’impose, il n’y a qu’un seul autre homme avec qui, je ressens ce “mais qu’est-ce qu’il fait ?” presque constant - dans certains contextes spécifiques, s’entend - et cette interrogation redondante me place systématiquement dans une sorte de blanc mental qui génère toujours chez moi, un sentiment d’impuissance totale.
Et définitivement, j’aime cet encordeur.

Il finit par me rendre à moi-même et le stress de FLESH me rattrape pour passer le bondage au second plan. Sans parler du show des filles à gérer, des galères de son, d’électricité et de chauffage.

A un moment, je crois que je débarrasse des verres, je croise Antoine, et lui demande si il a besoin de quelque chose. Et là encore, il me prend au dépourvu en me répondant :
“Oui : t’attacher.”.
Cela n’est peut-être qu’une formule rhétorique mais cela me touche.
Et là encore, il y aurait beaucoup à dire. No way, je me rends de suite disponible, si il a besoin de m’attacher, ça tombe bien, moi j’ai toujours besoin d’être attachée.

Il commence par placer mes bras dans le dos puis il me maintient avec son anneau de suspension. Etre attaché à soi-même ou être attaché à quelque chose...
Cordes : A.S. - photo : Kane JC Þórnwyrd
Moi j’ai toujours ma petite préférence sur le sujet. Le passage de nœuds me berce de manière hypnotique, le monde s’efface, la tension de la corde me berce.
Je dérive doucement quand il réveille ma vigilance en saisissant mes cheveux. Frisson.
Là aussi, il y aurait long à dire, le référentiel à Ténébreuse restant une évidence.
Je sens la corde passer dans mes cheveux pour revenir dans ma bouche et le ressenti des cordes impose l’image d’une coiffe de pony-girl dans mon esprit.
Cordes : A.S. - photo : Fab Crobard
Étrange sensation de fierté comme celle de participer ,même de loin, à l’aboutissement de quelque chose de beau. Et les images que je verrais après me confirmeront dans mon ressenti.
Cordes : A.S. - photo : Kane JC Þórnwyrd
De nouveau, je me perds dans ses cordes puis finalement, il me tire à terre et continuer de jouer de moi en m’allongeant sur sa cuisse. Abandon, dérive, calme, plénitude.
Cordes : A.S. - photo : Kane JC Þórnwyrd
Puis les tensions disparaissent, et je percute la réalité avec toute la violence que cela peut prendre parfois. Je commence à ressentir des vagues de tremblements nerveux comme à chaque fois que c’est “trop fort”.
Je fuis la salle, la foule, le monde, la réalité en sortant tirer sur un joint qui amortit la chute en arrêtant mes tremblements.
Je regarde les petits brins de fibres de chanvre qui restent sur mes chaussettes et je trouve ça infiniment touchant, c’est comme avoir des marques, c’est garder une petite trace tangible d’une expérience forte.

La soirée tire à sa fin et Antoine propose un ultime jeu de corde mais aimerait trouver un coin calme, il propose le coin câlin et nous voilà parti.
C’est sans compter sur le fait que l’éclairage n’est pas celui de d’habitude et qu’on n’y voit pratiquement rien, ni sur le fait que c’est la fin de soirée et que P. a abandonné le lieu aux rapaces de fin de soirée, ni même que le matelas ondule plus qu’un bateau au moindre mouvement des uns ou des autres.
Bref, finalement, on ne s’éternise pas et j’ai comme un vague sentiment d’inachevé.

La soirée se termine, N. termine de se montrer odieux; les clients tardent plus que d’habitude mais on est toujours plus nombreux et on gagne une heure sur le démontage.
A un moment, on cause tranquillement avec A.S., je vois des marques sur mes poignets et je lui avoue qu’il est le seul à savoir me laisser des marques.
Je dois m’illuminer quand je lui parle des marques qu’il m’avait faites la première fois, il répond que :
“c’est un beau compliment”.
Et c’est une belle réponse.

A.S. restera une sorte de petit poucet discret de ma soirée, il aura laissé de petites traces de son passage un peu partout, sur ma peau ou mes vêtements, jusque dans mes yeux où j’ai trouvé une fibre de chanvre en rentrant.
Définitivement et bien plus rationnellement que la première fois, il reste mon encordeur favori.