samedi 28 août 2010

FIP 37

J'aime les jeux de contraintes et je ne le cache pas.
Explorer les limites de mes mouvements, prendre conscience de mon impuissance restent des sensations particulièrement gratifiantes de mon point de vue. Et même si mon play-partenaire pratique avec moi diverses formes de contraintes, le shibari n'appartient pas à la sphère habituelle de nos jeux. Mais ma nature gourmande et curieuse ne rate jamais une occasion de se prêter à d'autres jeux.
Alors évidement, quand je lis "espace shibari" dans la présentation de la FIP, je me sens hautement concernée d'autant qu'un des pratiquants pressenti est l'auteur de ma première suspension et je pose mentalement une sorte de réservation sur le shibari avec la mention "au moins une fois".
Je me fais connaître comme volontaire dès le début de la soirée et une fois, la première suspension mise en place, mon tour arrive. Prise de contact sur le sujet : oui j'ai déjà fait une suspension, non, jamais je n'aurais eu l'outrecuidance de demander quelque chose de précis puisque dans mon esprit, on m'accorde déjà une sorte de faveur en pratiquant du shibari sur/pour moi.
L'encordeur propose de me faire un shibari que je pourrais garder quelques heures. Stupéfaction, je pense que je n'y aurais jamais pensé seule, pas fautes d'avoir déjà vu ce genre de pratique mais surtout parce que j'y place une intention intime qui ne s'adapte pas forcément à l'esprit "soirée" - toujours, ce côté naïvement "romantique" chez moi...
J'accepte de suite et des cordes rouges se mettent en place pour m'enserrer en commençant par un sorte de noeud en collier avec cette dextérité propre aux manieurs de cordes, gestes précis effectués avec une certitude qui les rend impératifs et qui touche nécessairement quelque chose en moi. Sa manière d'ajuster les cordes sur mon corps est englobante et assez différente de ce que j'ai pu découvrir la première fois même si mon attitude reste la même, faciliter au mieux la tâche de celui qui accepte de me donner de son temps pour ce jeu.
Le laçage se termine, je ressens la contrainte mais mes mouvements ont gardés toute leur latitude, la sensation tient plus du corset que des cordes quelque part. L'essentiel du jeu de cordes est dans mon dos et l'encordeur me suggère d'aller voir le résultat dans un miroir puis de revenir quand je jugerais les cordes trop inconfortables.
Quelque part, j'espère bien les conserver l'essentiel de la soirée comptant sur mon endurance à porter du latex et donc à m'abstenir de fréquenter les toilettes - trop pénible d'ôter et de remettre le latex. Je me dirige vers un miroir traversant la salle avec les cordes plaquées sur moi, j'ai comme une sensation d'ivresse subtile où le monde tangue et j'espère que mon pas est plus assuré que je ne le suis.
Comme souvent dans ces cas-là, j'aimerais prendre du temps pour moi, toucher la contrainte et lui laisser prendre une sorte de vérité mais ma pudeur m'interdit encore ce genre de geste public où je place une grande notion d'intimité. Logiquement, le petit miroir des toilettes ne permet que mal d'apprécier les liens qui se croisent et se nouent dans mon dos. Je reviens vaguement déçue parce que quelque part, l'essentiel n'est pas de voir la contrainte mais de la ressentir.
Cordes par A.S. - Photo par Her-v
Soudain, Master Of Rings semble surgir du néant et me saisit la main pour aller nous exposer à la lumière crue du studio photo. Il me place à ses pieds, la tête sur ses genoux et là aussi, je bascule dans l'intime. J'ai, comme un instant de panique quand je saisis le sens de ce qu'il me demande et même, si c'est un jeu l'espace d'une photo, l'attitude qu'il me demande est émotionnellement chargée d'un sens loin d'être neutre de mon point de vue. J'obtempère avec une sensation picotante d'interdit. Quelques poses photos, une vue centrée sur mon dos pour apprécier le jeu de cordes et me voilà, rendue à moi-même avec la brutalité de la réalité.

Le temps s'écoule doucement et j'oublie rapidement que je porte des cordes. Mais, la nature me rattrape et finalement, je dois me faire ôter les cordes pour soulager ma vessie.
J'ai du laisser paraître ma déception et spontanément, il est question d'un autre jeu de cordes une fois mes occupations terminées. Je reviens rapidement voir l'encordeur sans savoir ce qu'il va me faire et sans que la question ne m'effleure vraiment l'esprit.
Cordes par A.S. - Photo par Dick Laurent (http://www.dicklaurent.net/)
Il place mes bras en les pliant dans mon dos. Je crois que je devine qu'il est question de suspension mais cela n'a pas vraiment d'importance, les mouvements englobants de l'encordeur et la mise en place des liens mobilisent toute mon attention pour comprendre ce que l'on attend de moi et essayer d'anticiper les gestes pour les faciliter. Les cordes m'enserrent les bras avec force, je devine que la circulation sera rapidement coupées dans mes mains. La présence des liens est sûre mais sans violence, c'est difficile de retranscrire précisément cette sensation définitive d'immobilité alors que paradoxalement nulle violence n'est faite ou ressentie pour aboutir à ce résultat ; quand, dans l'inconscient collectif la privation de liberté est souvent associée à cette idée de violence justement.
Cordes par A.S. - Photo par Dick Laurent (http://www.dicklaurent.net/)
Puis c'est la sensation de suspension qui mobilise mon esprit. La première fois j'étais coincée dans l'encadrement d'une porte qui servait de support et mes bras étaient libres. Cette fois, je suis totalement dépourvue d'appui et les cordes sont mon seul soutien. Bizarrement, le fait d'explorer la suspension et les liens en me contorsionnant me semble bien moins impudique à faire qu'avec mes mains - et il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ce sujet, issu du tabou chrétien sur l'auto-satisfaction.
Une fois, bien ressentie ma contrainte, je me laisse à dériver en elle. Je crois que l'encordeur me demande si j'ai besoin de quelque chose, je crois qu'il parle de bander mes yeux mais je ne sais même pas si je réponds tant je suis absorbée par les liens. Il déplace quelque chose dans la suspension et la tension de mes bras se relâche un peu. Malgré tout, je ressens des picotements typiques dans mes mains et je les remue doucement pour stimuler la circulation sanguine. Le manieur de cordes perçoit mon mouvement et touche ma main d'un geste de papillon.

Cordes par A.S. - Photo par Dick Laurent (http://www.dicklaurent.net/)
Puis il commence à me délier et je m'en veux pour cette main froide qu'il a frôlée et qui a signifié la fin de la suspension. Les liens tombent à mes pieds, je suis vaguement étourdie, voilà c'est terminé. L'empreinte des cordes apparaît sur mes bras, j'aime passer mon doigt dessus et ressentir le dessin de la corde dans ma chair, cela correspond tellement à la sensation englobante que j'ai ressenti que tout semble tenir d'une certaine logique. 
Je tremble du contrecoup nerveux comme souvent après la contrainte chez moi, preuve de la charge émotionnelle que je place dans des instants comme celui-là. 

La soirée se poursuit et tire à sa fin, le manieur de corde me signifie qu'il va bientôt ranger. Je laisse paraître ma déception de gourmande jamais rassasiée et il me propose un dernier jeu. Comme si le sort voulait s'amuser de moi, c'est le moment où il est le plus sollicité de la soirée. Je suis déçue mais je m'estime déjà chanceuse d'avoir bénéficié de ses cordes par deux fois. Je m'amuse avec la barre de contrainte suspendue en me balançant avec, je crois que je parle avec quelqu'un. Quand mes deux bras sont saisis et tiré en arrière.
Je reconnais instantanément la façon de me toucher avant même que les cordes ne m'effleurent. Cette certitude qui ne souffre aucune discussion dans le mouvement, ces gestes englobants qui laissent présager la corde avant même qu'elle ne soit en place.
Et dans sa manière de faire, je devine que chaque encordeur a sa façon de procéder et que certaines me conviendront mieux que d'autres, la sienne particulièrement...
Il essaye de me suspendre avec la barre de contrainte mais les chaînes ne répondent pas comme il le souhaite, la barre tourne trop près de ma tête alors il tire sur les liens déjà placé sur moi et m'emmène vers ses anneaux de suspension. Il me parle peu, tout passe dans le geste, générant une sorte d’hyper-vigilance à l'autre pour répondre au mieux de ses désirs. Il continue de placer ses liens sur moi et finalement, tire sur la corde pour me signifier de m'allonger à ses pieds.
Déstabilisant cette laisse qu'il a fait de ses liens pour me manier dans le sens qu'il souhaite, déstabilisant d'être aux pieds d'un autre pour la deuxième fois de la soirée... 

Je suis allongée sur les cordes du précédent shibari qu'il a effectué, je sens les cordes entre moi et le sol, tout en sentant aussi les cordes qu'il place sur moi. Les liens se mettent en place, toujours avec cette sensation englobante qui me submerge. 
De temps en temps, je sens qu'il tire sur une corde sous moi et j'essaye de faciliter la récupération de la chose en me soulevant dans le peu de latitude de mouvement qu'il me reste. Il termine de m'attacher, me laisse profiter de la position quelques instants et recommence à manipuler les cordes, sans doute pour me libérer. 
Mais en fait, il me maintient toujours et enchaîne une autre position. La succession de positions me laisse stupéfaite un instant puis je m'abandonne au jeu. Il place un bandeau sur mes yeux et quelque part, je lui suis gré de me permettre de fermer les yeux en toute intimité. 
Cela décuple ma sensibilité à l'autre, je sens presque le déplacement d'air de ses mouvements avant qu'il ne les exécute, toujours avec cette précision nette propre aux manieurs de cordes qui me touche tant. 
Je devine qu'il se penche vers mon oreille, il me demande si il continue. J'acquiesce sans une hésitation, la plénitude de mon immobilité ne souffre aucune transigeance. 
Il dénoue de nouveau certains liens et me place assise, toujours sans un mot, juste en utilisant la corde comme moyen de me faire passer ses souhaits. 
Et le symbolisme de son jeu de corde m'apparaît clairement, la corde sert de lien entre nous bien plus que de liens sur moi quelque part. La relation dans laquelle cela nous place est presque troublante et prend une dimension sensuelle que j'essayais d'occulter jusque là. 
J'abdique et je me laisse aller à l'englobement de ses mouvements et de ses liens. 
Il me demande encore si je souhaite qu'il arrête, je ressaisis la réalité une minute, le temps de lui faire passer que non. 
Et, je me laisse à dériver dans la succession de liens et de nœuds. Puis finalement, les liens s'ôtent sans en générer de nouveaux. Je suis toujours assise, les liens tombent, le bandeau aussi. 
J'ouvre les yeux et percute le monde avec violence. Je crois que je me frotte les yeux comme on se réveille pour reprendre contact avec la réalité. 
Je devine que je remercie mon encordeur d'un soir avec la certitude de ne pas savoir faire passer ne serait-ce que la moitié de ma gratitude dans de simples mots. 

De cette deuxième expérience de shibari, je retiendrais ses mouvements englobants qui m'ont particulièrement touchée, cette emprise imposée dans le geste avant même la corde et qui rend la corde à son état d'outil en sublimant la précision technique de l'exécuteur. 
Mais mon report serait incomplet si je ne parlais pas aussi des marques laissées par la corde, que ce soit le relief du lien dans ma chair quelques temps après ou des rougeurs que je porte encore le surlendemain qui donnent une continuité à une expérience grandement satisfaisante de mon point de vue. 

Merci à qui de droit. 


lundi 9 août 2010

Toute première fois avec Master Of Rings

Je sais que tout a recommencé le 24-07, c’est idiot mais le symbole du chiffre de la date était trop fort pour que j’oublie jamais cette date. Il ne s’agit plus de jeux mais d’engagements plus définitifs, plus précis certes mais plus exigeants de ce que je suis. Une fusion consentie en fait, c’est bien on reste dans le RACK, c’est essentiel à mon fonctionnement intrinsèque mais c’est déroutant quand on a admit que l’étape fusionnelle du couple correspondait à son immaturité.
Quelque part, je m’étais engagée sur un autre chemin, que je m’étais presque construit “seule” et c’est à l’orée de ce chemin que les pas se sont arrêtés. La mécanique s’est comme grippée sur sa dernière idée et le temps est entrée en sommeil. Et voilà que le sablier recommence de couler et je dois retrouver mes marques sur un chemin dans lequel on m’a littéralement télé-transportée. Je dois mesurer où j’arrive à me situer, trouver ma place et la satisfaction liée - sinon à quoi bon - c’est étrange et étranger.
Maintenant, le chemin serpente seul sous mes pas et j’avance tirée par lui dans une confiance que je sais relative et fragile.Il y a dix milles sujets sur les quels j’aimerais laisser couler les mots pour suivre le trottinement des idées mais l’heure n’est pas à cela.

Ce soir, je veux essayer de retranscrire au plus fidèlement une expérience qui a déjà 24 heures d’effacement mémoriel parce que je sais combien le temps efface le rendu qu’on voudrait donner au souvenir. Trop d’instants non écrits restent prisonniers de mon esprit en images que j’ai appris qu’il fallait les mettre en mots au plus tôt ou jamais.

Certains choix de vie rendent certaines choses inévitables, elles deviennent une évidence qui s’impose à un moment du parcours. C’est le cas du bondage et des jeux de cordes, que mon play-partenaire ne tienne pas à se lancer dans ce genre de pratique, est loin d’être un rempart à l’opportunité de me livrer à des jeux de suspension et de liens. D’autant que je connais par avance mon goût pour la suspension, expérimentée en d’autres circonstances avec des chaînes.

Mais je suis une romantique, j’aimerais que la vie place des signaux ou des feux d’artifice sur les beaux moments de nos vies. Alors j’espère toujours qu’un événement exceptionnel - de mon point de vue - soit jalonné d’énormes indices du destin pour présager de sa venue. En vrai, c’est pas du tout comme ça, ça vous tombe dessus comme ça, le temps n’a même pas un hoquet pour vous/nous laisser reprendre notre respiration et retourner dans la grande ritournelle du quotidien.
Et c’est comme ça que c’est arrivé, sans même un spasme du temps.
Un enchaînement de flash d’images mixées trop vite, de la purée de pixels, dirait un certain condisciple. Une purée de pixels que j’aimerais étaler en mots pour lui donner une sorte de réalité.

Une vague allusion, à un moment, à laquelle je ne suis même pas certaine d’avoir réagi mais le corps parle souvent plus que la bouche. Un lieu gigantesque et abandonné, l’émotion de la découverte de ces grands couloirs vides et lourds d’histoires, le chatoiement des tags qui se succèdent au grès des pièces, le bruit du verre cassé qui crisse sous les pas, les exclamations du groupe. Une pose en saran wrap - oui c’est “snob” mais j’aime mieux le terme anglophone - un moment de grâce où l’esprit perd pied et ne sait plus situer son haut de son bas. J’adore ses moments de flottement où même le corps semble perdre ses propres repères. Transgression, la première fois que j’ai ressenti cela c’était en plongée sous-marine, une petite narcose. Bref, un retour à la normalité difficile, une sorte d'atterrissage forcé, d’un coup c’est cut, tout s’arrête.

Un flottement, il est question de photo collective avec change de vêtement et vaguement question de suspension aussi. Le flottement s’éternise. Quand une corde bleue électrique s’agite assez dans ma vision périphérique pour me faire tourner la tête, la question est directe : “ on y va ?”. Je sais que je jette un regard un peu perdu à qui de droit pour y guetter l’assentiment qui m’autorise ce genre de chose. J’aime ces micro-fragments de panique qui m’attache à Lui quand les autres me demandent quelque chose que j’ai renoncé à choisir seule.
Me voilà dans le couloir, “mets-toi en string”, ferme, simple et bref, j’obéis sans même en avoir vraiment conscience. L’esprit s’applique à rendre chaque geste efficace et rapide. Moment glaçant quand il s’agit d’ôter mon collier, comme quoi la nudité ne tient à rien parfois. Mais je retrouve rapidement un élément familier quand mon buste est wrapé dans du saran qui est ensuite déchiré par endroit. Un nœud bleu électrique passe autour de mon cou, troublant de recevoir une sorte “d’autre” collier, une idée qui frôle l’esprit pour s’envoler aussitôt. S’appliquer à obéir, rester docile, chercher à faciliter la tâche, ne pas gêner en quelque sorte - une idée à développer par la suite pour moi-même. Les nœuds se nouent, je sens leurs rondeurs, surtout sur mes clavicules, ils tissent une sorte de toile/filet géant qui me maintient du pubis aux épaules. On entend le frottement de la corde, c’est sensuel comme bruissement, le bruit plus que le contact, en fait. Le contact est plus rude, présent et trop impérieux pour avoir la nonchalance de la sensualité. Un échafaudage de débris du lieu se construit à mes pieds, j’y prends place, quelques nœuds et quelques bruissements continuent de me bercer dans une sorte de routine réconfortante.
Et d’un seul coup, un geste précis et ferme me bascule en avant pendant que des mains manifestement expertes s’appliquent à lier mes chevilles pour avoir le point d’équilibre. Quelques flottements et d’autres ajustements plus loin, me voilà belle et bien en suspension. Une grimace involontaire que je crois imperceptible quand le nœud fait plisser ma peau sur ma clavicule droite qui entraîne une réaction immédiate dont je ne doutais pas mais qu’il est rassurant de constater.
Les flashes crépitent mais je ne sais pas bien comment ou quand ils sont arrivés là. Un flottement et des mains m’empoignent pour que je bascule, de nouveaux les flashes, I. qui s’amuse avec moi, des éclats de rire, une fessée sonore. Des bras sous moi, et me voilà rendue à la pesanteur. Les nœuds se dénouent à une vitesse effarante et c’est à la réalité que je suis rendue cette fois.
Photo et cordes : Master Of Rings

Minute d’introspection : je savais que j’aimerais ce genre de suspension alors je ne suis pas étonnée d’avoir aimé. Par contre je suis étonnée de ce que j’ai aimé. A savoir pas la suspension en elle-même, c’est un état intéressant certes qui mériterait sans doute plus d’exploration à titre personnel mais Le Moment qui cristallise mon souvenir et dont je sais intrinsèquement qu’il est celui que je rechercherais par la suite, c’est le “lâché”, la “bascule”. La microseconde où l’on ressent à quel point l’autre nous tient en son pouvoir.
Et basiquement, c’est fou toutes les questions que cette mini-expérience génèrent en moi sur les jeux de cordes.

Ecrit en vrac à la va-vite.