samedi 31 mai 2014

Vernissage des scultupres de Pier à la galerie Art et Culture de Saint-Marcel.

Après plusieurs contretemps, finalement, je pars seule de Clamecy pour la rejoindre à Saint-Marcel.
Inespéré mon co-voiturage peut me déposer à 9 km du rendez-vous, très sympa (et en avance sur son horaire), il cherchera même à me déposer directement à Saint-Marcel mais nous ne trouverons pas les indications.
Finalement, il me dépose sur la place de l’église avec une mignonne et guillerette fontaine.
Mila m’a texté entre temps pour me donner le numéro de Pier que j’appelle et qui me demande un petit quart d’heure pour arriver, le soleil est de la partie et l’attente est tranquille à écouter le bruissement léger de l’eau.
Pier arrive, m’emmène dans les dédales de rues inconnus, tourne dans une montée vers un clocher, se gare et m’amène prendre un pot. Il me propose un repas mais je ne sais pas à quelle heure nous allons faire la performance, je préfère m’abstenir et en rester à mon sandwich mangé sur l’autoroute avec le co-voitureur.
G., le propriétaire de la galerie vient nous rejoindre, nous échangeons tranquillement sur la vie rurale, sa conformité, les moyens de l’amener à s’ouvrir, les cordes, etc.
Je jette des coups d’oeil sur la seule voie d’accès que je connais (celle par laquelle je suis venue) en espérant voir une petite voiture blanche et c’est une voiture verte que je vois arriver et que je reconnais incrédule.
Fab est là, l’univers s’emplit de paillettes et l’air est plus léger.

Mila n’est pas arrivée mais les journalistes le sont, il faut avancer à la galerie. Pier m’indique où me changer, où déposer mes affaires et nous laisse dans le lieu.
A un moment, je sors fumer une cigarette, une petite voiture blanche arrive en haut de la rue, elle me fait des appels de phare : c’est Mila.
Les voitures se garent un peu comme elles peuvent dans les rues étroites et nous tombons dans les bras l’une de l’autre.
Vlada, Falco et Larissa sont là, c’est étrange de les voir en France.

Le temps s’échappe toujours, elle doit se changer rapidement, elle échange un peu avec les journalistes et voilà qu’il est question de la première partie de la prestation que je ne verrais qu’en photo.
Vlada et Mila attachent les sculptures de Pier en introduction aux cordes pour le public.

Je m’échauffe et ne vois rien, je ne suis même pas dans le même bâtiment. Fab vient me chercher, Mila négocie un fond sonore car elle a oublié le sien dans la précipitation, elle obtient une bande de musique classique. 
Comme toujours, elle teste elle-même le point de suspension sous mes yeux, un de ses rituels.
C’est bizarre c’est la première fois qu’elle va me ré-attacher sans avoir les yeux bandés depuis plusieurs fois, j’anticipe de ne plus sentir les légères palpations qui lui permettaient de sentir les cordes qu’elle ne voyait pas. Elle reprend comme une maîtrise supplémentaire dans les cordes maintenant que mes yeux ne sont plus ses yeux.
Les cordes dansent, je les reconnais, les plis des vêtements se placent mal sur mes clavicules et j’ai un peu peur que le frottement ne me gêne à la remontée. Mais en fait, en terminant le T-K, elle déplace les cordes et les plis s’effacent sur a clavicule. Je sens aussi combien le tissu des vêtements la gêne dans ses passages de cordes, cela ne glisse pas comme elle a l’habitude et j’en perçois un subtil agacement qui s’efface dès que la corde recommence à coulisser correctement. 
Les passages de cordes sont plus neutres, plus distants pour s’adapter aux circonstances du vernissage, pourtant je perçois quand même sa vibration comme un frôlement d’elle de sa concentration.

Je n’écoute pas la musique, elle n’est pas familière, elle ne peut pas m’aider. Je préfère me centrer sur elle et me focaliser sur les bruits des cordes.
Je souris quand je l’entends délier une corde avec sa bouche alors que dans mon esprit se formalise une image que je connais tellement que je la reconnais à son son. Une première jambe décolle, elle peaufine les passages de cordes et le temps s’espace plus qu’à Munich, la deuxième jambe la rejoint, je balance dans les cordes, laisser les cordes se placer, s’y abandonner, relâcher les muscles et accepter la morsure délicates des cordes.
Le temps, l’espace s’élastique, il ne reste qu’elle qui me manipule à son gré.
Le public se signale parfois de façon violente quand elle termine une pose et m’y fait tournoyer, les flashs des appareils passent au travers de mes paupières closes, le bruit des déclencheurs et des mode-rafale rebondissent sur ma bulle pour s’en éloigner aussitôt.

Elle enchaîne sur la suspension inversée et je ressens le souffle du public quand elle me place la tête en bas, avec toujours cette sensation de rebond sur ma bulle, comme si c’était présent sans vraiment l’être, comme en sourdine.

Je me laisse aller dans les cordes, elles prennent place sur le bassin et mordent l’os. Je m’imprègne en moi pour oublier le détail de la douleur. Elle fignole ses cordes et j’égraine les secondes dans mon esprit en attendant de sentir ses mains sur ma poitrine pour me remonter.

Mais au lieu de cela, elle prend une de mes jambes et commence un futomomo dessus.
J’arrive à penser un “mais c’est pas ça ?!” avant de m’absorber en moi pour oublier un temps qui me semble être ralenti. Sans bien comprendre comment à un moment, elle me remonte, les cordes se remettent à d’autres place, plissent la peau et je me concentre sur le soulagement du bassin plutôt que sur la gêne des nouveaux points de tension.
Elle termine ses cordes, me fait encore tourner et commence à ramener mes pieds au sol.
Elle y dipose le dernier avec tout la précaution du monde et je me relève en m’appuyant un peu sur la corde du T-K. J’aime bien m’appuyer dessus, comme une façon de maintenir le contact avec ma bulle quand elle s’évapore déjà.
Elle me fait agenouiller, achève de me détacher en faisant danser les cordes, ramène mes bras sur le devant et me sert pudiquement dans les siens.

Débarrasser l’espace pour Vlada et Falco et se trouver happée par l’élan d’un public qui veut partager ses émotions.
Les gens me parlent de douleur, je me défends, j’explique que ce n’est pas le but, je ne comprends pas qu’on me parle de douleur quand dans le même temps, ils me parlent de ma sérénité.
Une dame arrive à m’isoler et me regarde sérieusement : “Depuis combien de temps faites-vous du yoga ?” Je la regarde ébahie, elle devine que je ne comprends pas de quoi elle parle. Elle insiste “Vous dégagez un tel stoïcisme.” J’explique sommairement, je parle de voyage en soi.
Un autre monsieur vient me voir et spontanément, il me parle d’hypnose. Je lui souris et m’accroche un peu à lui, parce qu’il use d’un référentiel que je maîtrise.
C’est la première fois que je dois “expliquer” les cordes après les cordes. C’est intéressant de voir comment les gens ont perçus les choses, c’est fascinant de voir comme ils ont envie de partager/échanger leurs impressions.
Pour le coup, je comprends le sens de spectacle vivant.

Vient le tour de Vlada et Falco, je les ai entrevu à Moscou, raté à Munich, c’est ma première véritable occasion d’apprécier leur performance dans les circonstances privilégiées d’un petit lieu, comme une sorte de session privée.
C’est étonnant de voir Falco avec un pagne, lui qui secoue son petit cul nu partout où il peut.
Vlada a son joli costume militaire, j’aime la moue entrouverte que lui donne sa concentration, c’est émouvant. Je suis admirative de l’endurance de Falco dans les cordes, il me fait penser à cette petite phrase de Mosafir à propos de sa propre modèle “It’s a plastic girl.”
Phrase que l’on pourrait transposer en la masculinisant pour parler de Falco.
J’adore toutes les petites marques d’attention que Vlada envoye vers Falco pendant leur prestation, un petit coup d’oeil, un murmure, une caresse, un geste sûr et rapide pour déplacer une corde.
Il y a une belle harmonie entre eux et ils nous la transmettent.
Et c’est encore plus flagrant quand elle le détache et qu’on voit toute la fierté qui l’habite en le serrant contre elle.
Là, encore, le public a grand envie à échanger et je fais un peu le traducteur pour Falco à qui ils ont envie de confier leur appréciation de sa plastique comme de son endurance.
Scène suréaliste d’un Falco en pagne qui montre des nus de lui dans les villes les plus diverses sous les “oooh” appréciateurs de ces dames.

La soirée se poursuit avec un rapide repas.
Nous trouvons un peu de temps pour nous rapprocher avec Mila, elle me parle de photos dans une tour à 30m de hauteur, je pense à mon vertige et lui sourit “oui, si tu veux.”
Il est temps de partir j’essaye de m’exprimer avec les russes, c’est tellement difficile de dire l’émotion. Vlada me sourit, me parle de Moscou.
C’est loin, tellement loin, devant autant que derrière quelque part.
La nuit se referme sur nous, la route s’enchaîne…
Une expérience en saut de puce, juste le temps de constater que le Lien ne s’efface pas par l’absence.

Crédits : Cordes par Ludmila Metresa/Ropes - Photo par Fab Crobard

vendredi 23 mai 2014

BoundCon, Munich 2014


Tout commence toujours avec une histoire de co-voiturage. ^^
Pas forcément mon meilleur, ni vraiment le pire mais le plus déconnecté.
La veille, on m’appelle pour me dire qu’on va l’annuler parce que la voiture n’est pas pleine et que partir de mon point de départ n’est plus avantageux pour eux.
C’est moi qui est serait pour mes frais avec 1H30 de route pour les rejoindre et découvrir que je vais voyager en cametard…
Bon l’avantage c’est que dans ces véhicules-là on peut fumer et manger ; l’inconvénient c’est que le chauffeur est parfois un peu distrait.
 Je vois passer un premier panneau Beaune 33 km qui se dépasse sans changement de direction, je m’écrase en me disant que le GPS sait sans doute mieux que moi, je laisse filer un deuxième panneau en rongeant mon frein et c’est finalement au panneau Beaune 16km derrière nous que je décide de me signaler.
L’avantage des artistes de rue c’est leur désinvolture quand l’annonce prédisait l’impossibilité de faire le moindre détour tout compte fait, ils décident de me déposer à l’hôtel où m’attend Mila (ou c’est mes cheveux aussi ^^).
Nous voilà, finalement réunies pour ce nouvel épisode de nos petites aventures, dans une ville que ni l’une, ni l’autre ne connait pour une nuit rapide avant de reprendre le chemin vers Munich. Retrouvailles, rapide échange d’informations et nous nous posons rapidement devant la télé qui achève de nous endormir.

Vendredi 23 mai : Travel Day.
Réveil assez matinal comme à notre habitude, petit déjeuner royal comparé à celui de Moscou dont nous nous rassasions avant de partir pour Munich non sans faire le plein au préalable. La route se fait sous le soleil et cela nous convient mais le voyage un vendredi se paye en camions sur la route et donc en contrôle-radar qui fatiguent vite Mila.
Nous décidons de couper par les petites routes pour éviter les détours de l’autoroute, nous voilà en excursion dans les campagnes allemandes : succession de villages et paysages typiques, toits couverts de panneaux solaire, parc de panneaux solaires, églises à clocher joyeux et aérien, villes colorées, surréalistes mâts de cocagne surmontés de sapin de noël et virages limité à 10km/h tant ils sont raides.
Finalement, nous retrouvons l’autoroute avec joie et le reste de la route vers Munich file sous nos roues pour nous amener à l’hôtel que nous découvrons avec bonheur.
  Nous nous installons dans la chambre, rafraîchissement et temps de se poser, il faut maintenant trouver le lieu du salon pour avoir nos pass et nous libérer la journée du lendemain des formalités. Les choses se feront de manière assez simple et nous retrouvons rapidement des connaissances, une grande délégation russe est présente, nous ne cessons de trouver des têtes connues, de prendre des nouvelles des uns et des autres.
Une sorte de tourbillon où nous trouvons le temps d’aller au salon VIP pour profiter du buffet, sommaire mais nourrissant.
A tourner sur le salon en cherchant un tel ou un autre, j’ai déjà largement repéré de quoi craquer, je note mentalement ce qui m’intéresse et espère revenir le lendemain.
Nous discutons un peu avec le BCB (Bondage Club Belge) et décidons de jeter l’éponge pour la journée en rentrant sagement à l’hôtel.

Samedi 24 mai : Marathon Day.
Réveil après une courte nuit, buffet revigorant pour le petit déjeuner à l’hôtel et chasse à la cigarette pour éviter les mésaventures de la veille puisque en Allemagne il y a bien des distributeurs de tabac dans la rue mais ils nécessitent une pièce d’identité allemande pour être utilisés…
Nous arrivons presque à l’ouverture et devons d’ailleurs attendre l’ouverture du salon VIP, Mila a 3 performances dans la journée, il s’agit de bien se s’organiser.
 Un repas rapide, un tour de stands pour récupérer l’anneau que Mila avait fait mettre de côté chez Bind Me et un tour des scènes pour avoir les horaires de prestation puisque jamais nous n’avons réussi à rencontrer l’organisateur.
Le temps s’échappe moins que la veille, nous avons déjà vu tout le monde, pris toutes les nouvelles et nous pouvons laisser le temps couler tranquillement. Fortuitement, nous croisons Yvette et Philippe Boxis avec qui elle a des performances dans la journée, cela lui permet de prendre contact et la rassure forcément.
 Elle me propose de s’occuper de mon shopping, je retrouve le serre-taille qui me plaisait tant mais il n’y en a plus à ma taille. Nous continuons sur les chaussures, je choisis 4 paires et en essaye 3 pour m’acheter les plus belles chaussures du monde en pensant qu’elles me seront bien utile pour ne pas avoir à délacer les 14 trous de mes chaussures en 10 secondes avant de monter sur scène vu qu’il n’y a pas de loges…
Nous repassons au salon VIP prendre une bouteille d’eau et des serviettes et il est temps d’aller à l’Escape Challenge de Yvette Cousteau.

Nous arrivons, avec un peu d’avance, ce qui lui laisse le temps de se familiariser avec les règles, notamment le fait que les cordes soient fournies par les organisateurs. Elle défait toutes les cordes et les refait à son habitude. Tout le monde est là, je trouve ça bien que les gens soient si nombreux à venir la soutenir. Yvette se fait attendre, à un moment, il semble même être question de la remplacer. Mais finalement, elle entre en scène et discute tranquillement avec l’organisatrice du challenge pendant que Mila s’escrime à l’attacher.
Non seulement, nous sommes plusieurs à trouver que ce n’est pas respectueux pour l’attacheur mais, en plus, ne comprenant pas la langue nous avons un doute sur le fait qu’elles ne discutent pas des cordes que Mila met en place, nous avons une sensation de désavantage dès les premières minutes. Le chrono défile et nous annonçons les temps à Mila quand nous constatons que l’organisatrice les annonce à Yvette. Elle attache les deux mains de manière asymétriques : une devant, une derrière, croise les jambes et les ramène en hog-tie. Elle continue à nouer ses cordes jusqu’aux dernières 15 secondes avant la fin et laisse une Yvette bien ennuyée sur scène.
Et de nouveau, le chrono court pour 15 minutes, comme elle a eu 15 min pour attacher le modèle, celle-ci a 15 min pour se détacher. Et malgré l’aide évidente de ses comparses (notamment l’organisatrice) et quelques alertes à une douleur pour déplacer un nœud, au bout de 5 minutes, elle se fait tourner à terre pour se positionner face à Mila, la tête calée dans la seule main qu’elle a pu libérer avec un air de « tu m’as bien eu ».
Elle n’essayera pas plus avant de se détacher et il faudra attendre la fin officielle des 15 min pour déclarer le challenge gagné alors qu’il le fut en moins de 5 min.
C’est alors que Mila découvre que les challenges se jouent comme des vrais paris et qu’elle a gagné 20€ qu’elle cède royalement à l’organisation pour bien signifier où se situe son contentement, à savoir : avoir réussi le défi.
C’est alors qu’un nouvel objectif s’ajoute à ceux que nous avions déjà, elle a déchiré son pantalon à la couture en attachant Yvette, il faut lui trouver un autre pantalon pour la suite de la journée.
Cela se réglera dans l’espèce de mini-marché aux puces qui se trouve en face du salon sur le parking : l’achat le plus rapide du monde de pantalon.

L’heure commence à s’échapper, nous sommes une heure avant notre performance, je dois encore me changer (dans les toilettes vu l’absence de loges) et trouver un recoin où m’échauffer (puisque pas de loges). Mila me montre un coin de studio-photo qu’elle a trouvé et où elle s’est préparée pour la performance avec Yvette.
Je m’échauffe, et me fiche deux magnifiques crampes, une à chaque pied, j’ai peur que cela n’augure rien de bon pour notre performance, j’essaye de les faire passer et le stress aidant, elle réapparaissent systématiquement. Le temps file et Mila vient me chercher en annonçant que c’est l’heure.
Nous arrivons à côté de la scène 10 min avant notre horaire pour découvrir une encordeuse un peu maladroite en train d’attacher son modèle… A 10 min de la fin de son horaire, elle continue de placer ses cordes, cela augure mal qu’elle ait fini dans les temps… En fait, elle retirera quelques cordes et sortira son modèle de scène avec encore pratiquement toutes les cordes…
La scène se libère, Mila installe ses cordes et place son anneau.

Pas de musique sur la petite scène où nous sommes. La bande-son démarre dans ma tête pour faire abstraction et me centrer sur elle. Elle est tendue et je devine que l’absence de musique la perturbe et la contrarie, elle ne peut plus gérer son temps comme elle le souhaitait, malgré l’aide de Dirigiste qui égraine le temps par tranches de 5 min. Le silence doit être encore plus lourd pour elle avec les yeux bandés, elle compense en me parlant énormément plus que jamais pendant aucune de nos sessions de cordes. Elle me demande si ça va, où est l’anneau, où sont les cordes, où est ma poitrine, le lien qu’elle n’arrive plus à garder par la bande-son, elle le crée avec sa propre voix.
J’essaye de parler d’une voix forte et claire pour couvrir le brouhaha de la foule et je me demande si finalement tous les spectateurs n’en profitent pas autant qu’elle. ^^
En en reparlant avec S. le soir, elle soulignera un élément que je ne pouvais pas noter, en me précisant qu’elle ne me lâche jamais quand elle m’attache les yeux bandés et je pourrais le vérifier sur les photos que je verrais par la suite. J’aime aussi la façon dont ça modifie sa façon de manipuler les cordes en ajoutant des palpations rapides à ses mouvements pour vérifier que les cordes ne se chevauchent pas ou qu’elles sont au bon endroit.
Elle me suspend dans la première pause et d’un coup, je sens comme un tremblement dans la structure qui me soutient en même temps que j’entends un cri étouffé dans le public.
Une demi-seconde, je ne comprends pas, parce que je ne suis pas tombée et je comprends que c’est elle qui est tombée de la scène, j’ouvre les yeux pour la voir remonter en scène dans le même élan que sa chute. Même pas une demi-seconde pour revenir m’attacher quand je perçois le feeling d’une foule majoritairement constituée de manieurs de cordes, le temps qu’ils se posent la question de l’urgence : relever Mila ou me détacher, elle était déjà remonté en scène : show must go on.
Elle continue de maintenir le contact avec la voix, c’est sans doute d’autant plus important que sa chute l’a perturbée et blessée au dos.
Elle enchaîne les figures prévues et me ramène au sol dans le temps voulu. Les cordes volent, elle me serre dans ses bras et me demande de saluer.
Nous saluons, nous jetons nos affaires dans le caddie magique de Mila (sorte de malle aux milles merveilles pour encordeurs) et sortons de scène pour laisser les performances se continuer.

Pas vraiment le temps de se poser, le retard des précédentes nous a retardé et Mila doit recommencer un show à peine une petite heure après. Le temps s’évapore et arrive déjà le moment de passer au dernier Escape Challenge avec Philippe Boxis.
Là, encore 15 minutes pour attacher pour les attacheurs et 15 minutes pour se détacher pour les modèles. Sauf que cette fois, elles sont à deux et s’entraident même si elles sont toutes deux attachées. Ils se répartissent les modèles et les cordes et le défi commence.
Mila m’a demandé de lui dire le temps et pourtant dès les premières 2 minutes, elle ne cesse de le regarder, je comprendrais après qu’elle attend surtout que ça se termine pour pouvoir reposer son dos qui a bien souffert de sa chute.
Elle refait une figure proche de celle qu’elle a fait avec Yvette (on ne change pas une équipe qui gagne ^^) et la fille n’essaye même pas de se détacher même si elle aide activement sa comparse à tenter de se défaire des cordes de Philipe Boxis, quand la fin des 15 min sonne, aucune des deux n’a vraiment réussi à se libérer.
Cette fois, Mila accepte la prime de 15€ et s’en sert pour me rembourser le parking et son pantalon. Elle sort de scène, brisée avec toute la tension qui retombe et le dos qui la fait terriblement souffrir, nous partons nous poser dehors, S. un jeune photographe rencontré le premier jour à l’hôtel vient nous parlé et son amie entreprend de masser Mila avec l’aide des très organisés BCB qui avaient de l’huile de massage avec eux. Personne ne demandera pourquoi :o)

Et alors que nous étions parties pour rentrer à l’hôtel vers 21h, nous n’arriverons à décoller que vers 23h. Une fois à l’hôtel, elle prend enfin de quoi se soulager et enchaîne avec un bain pour tenter de décontracter son dos. Je décide de descendre rejoindre le BCB au bar pour la fin de soirée, nous nous installons dehors et les conversations vont bon train.

Quand la fraicheur de la nuit me pousse à l’intérieur, je vois M. qui me propose d’essayer ses toutes nouvelles cordes en m’attachant en suspension à la rampe de l’escalier.
Cela fait longtemps maintenant que nous avons envie de nous « essayer » mutuellement dans les cordes : c’est l’occasion.
Il place ses cordes en amont avant d’aller vers la rampe, c’est étrange cela semble improvisé et en même temps, il semble savoir exactement ce qu’il fait ou ce qu’il souhaite faire à tout le moins. C’est étrange parce que c’est le premier attacheur à ne pas prendre « contact » avec moi avant de m’attacher, seules les cordes passent entre nous, un contact très neutre.
C’est déroutant car il passe ses cordes d’une façon très personnelle, sans T-K par exemple, juste un harnais sur le buste et les cordes mordent sur les côtes de façon inhabituelle. Il suspend une première jambe et me demande mes impressions, je sens la corde qui mord sur la cuisse, lui explique, en une fraction de seconde, j’ai la sensation qu’il a ajouté plusieurs lignes de cordes pour soulager le poids. Je remarque aussi qu’il préserve le bras avec lequel il m’a rencontrée blessée, je pourrais croire que c’est une coïncidence mais sa douce et persévérante prévenance me laisse à penser que c’est calculé. J’ai du mal à me laisser aller dans des postures de cordes inconnues, je ne pensais pas avoir pris de telles « habitudes » et je dois vraiment prendre sur moi, pour lâcher main et pieds et me laisser aller à une morsure inhabituelle des cordes.
photo et cordes par M.B.
Il me demande à faire une photo, la phrase m’arrive dans le lointain, m’apparaît incongrue, quelque part, je crois que je me demande bien ce qu’il peut y avoir à prendre en photo, est-ce que ça a vraiment une importance…
C’est en me détachant qu’il établit (enfin) le contact avec moi, et entre dans un jeu plus intime en continuant à m’attacher au sol. Il ne sera plus question de photos, là aussi se sera hors-propos.
Quand il me détache, il m’explique pour ranger ses cordes et ça aussi c’est étrange quand la plupart des encordeurs que j’ai rencontré refusaient qu’on leur range, lui m’explique et me les fait ranger jusqu’à la dernière.
Je ne sais pas si c’est sa façon de casser le contact ou de vouloir m’apprendre comme j’ai parlé de me faire mes cordes. En tout cas, ça casse bien le contact, je pars rejoindre les autres et finir la soirée en compagnie agréable avant de déclarer forfait et d’aller me coucher.

Dimanche 25 mai : Running Day.
La matinée du dimanche se passe tranquillement en profitant du petit déjeuner et des personnes que nous y croisons. Puis nous partons en passant prendre Larissa dans le gîte que les russes se sont loués. Falco nous taquine nu à la porte et nous voilà reparties vers la France talonnées par le temps pour que je puisse prendre le train qui terminera ma route depuis Beaune.
Je laisse Mila partir avec Larissa avec la sensation d’être volée du temps passé trop vite et même si je la revois le samedi suivant, j’ai comme une sensation d’irréel dans cette séparation après avoir passé plusieurs jours à être collées l’une à l’autre.
Je suis dans un train qui roule vers chez moi et jamais je n’ai écrit si vite mon report, demain la vie recommence à courir et Munich n’est déjà plus qu’un souvenir.

Il m’aura fallu 5 jours pour trouver le temps de finaliser ce report.
Munich n’est plus qu’un souvenir, les marques des cordes de M. sont restées 2 jours et les courbatures du hog-tie 3 jours, les photos des shows sont arrivées, tout concoure à laisser le temps continuer de filer.
Demain, je pars la rejoindre pour une autre performance dans un vernissage et quelque part, elle n’est pas vraiment restée loin de moi ces jours-ci.

Crédits : cordes par Ludmila Metresa/Ropes - photos par Paul Bear et Alex Falco.