samedi 22 janvier 2011

FIP 42

Tout commence vraiment avec un mail d’H. pour me prévenir de la présence de deux encordeurs : F.JD. et A.S.
Coup au cœur.
Malgré l’énorme intimité développée avec N. qui donnent à nos jeux de cordes une complicité spontanée, je garde un souvenir ému d’A.S.
D’abord parce qu’il nous a donné notre première corde et que sans celle-là d’autres ne seraient pas venues s’y ajouter, ensuite parce que mo play-partenaire a bien accroché que lui et A.MoR. et surtout parce qu’il avait su généré des sensations profondément touchantes pour moi.
Je flotte sur un petit nuage de joie chantonnante et je brûle d’impatience de confronter mon premier ressenti à une nouvelle expérience.
Un peu comme après le premier acid, on se demande si ça fera vraiment pareil - entendre aussi bien - au deuxième.
Finalement avec tout le bordel à ramener, c’est plus simple de venir en voiture, donc on arrive en avance et on squatte chez H. en attendant.
Arrivée devant la salle, porte close, coup de fil habituel à B., tambourinage à la porte et finalement à la place de B. c’est A.S. qui arrive.
Tralala !
On installe tous ensemble et entre M., T., A.S., le nombre de mains supplémentaires se fait bien sentir et sans les galères de punaises et de son, on aurait sûrement pu se poser vraiment tranquillement avant le début.

Là-dessus, la fermeture de mon bustier décide de lâcher, Melle Ilo me dépanne d’une robe pour laquelle, je finirais bien par craquer.
Je reviens dans la salle, à un moment, N. se matérialise devant moi, mais il y a encore une galère à gérer et je dois partir bricoler un truc. Quand je reviens, j’ai l’impression que N. a monopolisé la place qu’A.S. s’était installée comme il l’avait déjà avec F.JD., malgré mon affection pour lui, c’est une attitude qui m’agace. Je proteste mais A.S. assure que tout va bien.
Enfin, la soirée finit par commencer. Assez rapidement, A.S. vient me proposer un jeu de cordes et cela m’arrange avec la programmation de FLESH sur la soirée, je ne serais pas aussi disponible que je peux l’être.

Il me regarde dans les yeux en retirant sa gigantesque écharpe tout en me disant :
“Les cordes, c’est pour les filles”.
Et sur le moment, je ne comprends pas bien à quoi il fait référence, je vois surtout cette incroyable écharpe qui n’en finit pas et qui donne une image similaire à celle des cheveux de Raiponce. Et il faudra que je regarde si l’analyse psychanalytique de ce conte parle de lien.
Puis il me prend les mains dans le dos avec ses gestes fermes et définitifs qui appartenaient au souvenir qu’il m’avait laissé. La réalité se confond avec la mémoire et prend un côté de dédoublement, réalité du souvenir renforcée par la réalité de la sensation. L’esprit s’embrouille lui-même alors qu’A.S. me laisse glisser au sol d’une manière que je comprendrais vraiment qu’en la voyant en photo.
Et logiquement, je compare mentalement les deux façons de mise au sol que j’ai pu côtoyer. Cette façon de me glisser au sol en m’appuyant contre lui de N. tout en accompagnant mon mouvement et celle d’A.S. où le lien physique devient autre chose comme une sorte de prolongement de lui-même.
C’est subtil mais tellement essentiel comme différence que j’aimerais vraiment mettre des mots corrects dessus.
Et je touche vraiment du doigt, ces longues conversations via forum sur les différentes approches et les deux grandes écoles même si je reste convaincue que c’est encore trop réducteur.
Une approche qui se centre principalement sur l’esthétique et sur le show, qu’il s’agisse de ses mouvements théâtralement exagérés, de sa tenue ou des postures qu’il donne.
Alors qu’effectivement, A.S. s’absorbe plus sur l’efficacité des liens.
Dans les deux cas, le résultat pourrait être le même, puisque finalement les deux ambitions se joignent dans le bondage, celui qui cherche l’esthétique aura quand même des passages de cordes contraignants et celui qui cherche la contrainte aura quand même une recherche esthétique.
Mais au final, le ressenti sera totalement différent.
Et d’une certaine manière assez simpliste, on peut aussi en tirer des conclusions pas complètement dénuée de sens. Celui qui cherche l’esthétique se centre sur lui-même et l’image qu’il donne pour compléter son tableau idéal du show alors que celui qui cherche la contrainte, se centre sur les limites des mouvements du modèle et donc sur le modèle.
Quelque part, l’un donne l’illusion de faire ce que l’autre fait réellement. Et si je tire le fil de ma pensée, les mots se mettent en place seuls. L’un est un artiste alors que l’autre est un artisan.
Et voilà que l’étymologie même des termes me renvoie à ma propre conviction. Artisan : celui qui met son art au service d’autrui. Bref, fin de digression.
 II me place au sol en utilisant le lien comme le fil d’un marionnettiste et là encore, il y a beaucoup à dire. Depuis le temps, j’ai quand même eu l’occasion de largement me pencher sur mes affinités avec le BDSM, de tirer tous les fils des associations d’idées que cela créait et je pense avoir une idée assez claire et rationnelle de mon relationnel à ce type d’échange. Je connais les déclics en moi et j’en connais l’origine pour la plupart. Et ma révérence immodérée pour Gord et sa façon de développer la forniphilie n’est pas plus un mystère depuis longtemps. J’ai d’ailleurs beaucoup avancé sur nos propres projets personnels avec mon play-partenaire à ce propos. Finalement, nous étions tombé d’accord sur le terme “outil” plutôt qu’objet. Et l’on retrouve encore cette idée d’artisanat.
No way dans les mains d’A.S., je me sens objet, outil, pantin, marionnette.
Et sa façon de m’amener à terre est typiquement la meilleure illustration de ce que j’essaye de formaliser avec des mots. Dix milles idées s’entrecroisent dans la brume de l’esprit fatigué sans vraiment réussir à aboutir pour se formaliser mais tout en revient toujours à cette idée d’artisan et d’objet. Et cela ouvre encore dix milles voies d’interrogations.
Une fois au sol, il saisit mes cheveux pour les prendre dans le bondage. Je repense à notre conversation avant la soirée quand je lui parlais de F.JD. et de son essai de bondage avec des cheveux.
Et cela me confirme dans la certitude qu’un bondage s’interprète un peu comme un rêve comme je lui suis reconnaissante de s’attarder assez sur mes paroles pour en noter ce genre de détail.
C’est amusant quelque part de penser qu’A.S. est l’homme de mes premières fois en bondage. Mon premier bondage “à porter”, ma première véritable suspension - avec A.MoR. c’était différent, rien qu’avec l’encadrement de la porte qui me servait d’appui -, mes premiers véritables jeux de cordes et là encore, le premier à prendre mes cheveux dans ses liens.
Et c’est quelque part, une chance que ça soit lui. Je dois bien connaître une petite dizaine d’encordeurs maintenant, enfin une petite dizaine que je connais de manière assez proche pour me faire une idée de leur jeu de corde et c’est une évidence qui ne souffre pas de discussion. J’aime définitivement sa façon d’user des liens, sa façon d’être et je devine que ce qu’il passe dans ses cordes reflète une personnalité profonde avec laquelle je me sens une sorte de communauté d’âme. Et c’est presque miraculeux que le hasard l’ait placé sur ma route pour me donner ces premières expériences même si fatalement, cela laisse peu de chance aux autres derrière...
Je veux dire, je suis touchée par la méticulosité soignée de F.JD., j’apprécie la maîtrise technique de N. et j’adore le jeu kinky-provocant d’A.MoR. alors que je suis incapable de dire précisément ce que j’aime avec A.S. tant cela couvre de nombreux aspects allant de sa façon englobante de passer les cordes, à sa manière de maintenir mes membres pour les attacher, jusque dans sa façon de serrer à m’en laisser des marques ou encore sa manière de simplement tresser une corde en attendant le début de la soirée.
Il y a tant de choses qui le détachent des autres à mes yeux que je me dis qu’il y avait quelque part assez peu de chance de le rencontrer et c’est le genre de rencontre qui réconcilie avec la vie.
Si tôt l’emprisonnement de mes cheveux, le tissu passe sur mes yeux puis dans ma bouche. Forcément, je pense à J. et c’est la dernière bride de pensée rationnelle qui me reste.
Les muscles se bandent et ressentent la vérité de la contrainte dans les bras et c’est mon essentiel. Je bascule au moment où il me bascule sur sa cuisse.
Je ressens cette sensation de “bétail” qui m’avait si fortement impressionnée avec lui, la première fois. Et il m’entraîne dans une sorte de spirale où je flotte entre différents états sans savoir vraiment dans lequel je suis.
Hyper-vigilance aux liens quand il a le génie de les passer sur des endroits-clefs pour moi, typiquement les bras ou le pied en étrier, dérive dans les cordes quand ses mouvements sont moins chargés de sens symbolique pour moi, réceptivité à sa volonté pour tenter de faciliter les passages de cordes quand j’ai la sensation de pouvoir aider.

Comme dans ce souvenir si précis, il m’entraîne dans une succession de poses dont je ne saisis pas la finalité et qui me laisse totalement désarmée face à lui. Et c’est là que l’évidence s’impose, il n’y a qu’un seul autre homme avec qui, je ressens ce “mais qu’est-ce qu’il fait ?” presque constant - dans certains contextes spécifiques, s’entend - et cette interrogation redondante me place systématiquement dans une sorte de blanc mental qui génère toujours chez moi, un sentiment d’impuissance totale.
Et définitivement, j’aime cet encordeur.

Il finit par me rendre à moi-même et le stress de FLESH me rattrape pour passer le bondage au second plan. Sans parler du show des filles à gérer, des galères de son, d’électricité et de chauffage.

A un moment, je crois que je débarrasse des verres, je croise Antoine, et lui demande si il a besoin de quelque chose. Et là encore, il me prend au dépourvu en me répondant :
“Oui : t’attacher.”.
Cela n’est peut-être qu’une formule rhétorique mais cela me touche.
Et là encore, il y aurait beaucoup à dire. No way, je me rends de suite disponible, si il a besoin de m’attacher, ça tombe bien, moi j’ai toujours besoin d’être attachée.

Il commence par placer mes bras dans le dos puis il me maintient avec son anneau de suspension. Etre attaché à soi-même ou être attaché à quelque chose...
Cordes : A.S. - photo : Kane JC Þórnwyrd
Moi j’ai toujours ma petite préférence sur le sujet. Le passage de nœuds me berce de manière hypnotique, le monde s’efface, la tension de la corde me berce.
Je dérive doucement quand il réveille ma vigilance en saisissant mes cheveux. Frisson.
Là aussi, il y aurait long à dire, le référentiel à Ténébreuse restant une évidence.
Je sens la corde passer dans mes cheveux pour revenir dans ma bouche et le ressenti des cordes impose l’image d’une coiffe de pony-girl dans mon esprit.
Cordes : A.S. - photo : Fab Crobard
Étrange sensation de fierté comme celle de participer ,même de loin, à l’aboutissement de quelque chose de beau. Et les images que je verrais après me confirmeront dans mon ressenti.
Cordes : A.S. - photo : Kane JC Þórnwyrd
De nouveau, je me perds dans ses cordes puis finalement, il me tire à terre et continuer de jouer de moi en m’allongeant sur sa cuisse. Abandon, dérive, calme, plénitude.
Cordes : A.S. - photo : Kane JC Þórnwyrd
Puis les tensions disparaissent, et je percute la réalité avec toute la violence que cela peut prendre parfois. Je commence à ressentir des vagues de tremblements nerveux comme à chaque fois que c’est “trop fort”.
Je fuis la salle, la foule, le monde, la réalité en sortant tirer sur un joint qui amortit la chute en arrêtant mes tremblements.
Je regarde les petits brins de fibres de chanvre qui restent sur mes chaussettes et je trouve ça infiniment touchant, c’est comme avoir des marques, c’est garder une petite trace tangible d’une expérience forte.

La soirée tire à sa fin et Antoine propose un ultime jeu de corde mais aimerait trouver un coin calme, il propose le coin câlin et nous voilà parti.
C’est sans compter sur le fait que l’éclairage n’est pas celui de d’habitude et qu’on n’y voit pratiquement rien, ni sur le fait que c’est la fin de soirée et que P. a abandonné le lieu aux rapaces de fin de soirée, ni même que le matelas ondule plus qu’un bateau au moindre mouvement des uns ou des autres.
Bref, finalement, on ne s’éternise pas et j’ai comme un vague sentiment d’inachevé.

La soirée se termine, N. termine de se montrer odieux; les clients tardent plus que d’habitude mais on est toujours plus nombreux et on gagne une heure sur le démontage.
A un moment, on cause tranquillement avec A.S., je vois des marques sur mes poignets et je lui avoue qu’il est le seul à savoir me laisser des marques.
Je dois m’illuminer quand je lui parle des marques qu’il m’avait faites la première fois, il répond que :
“c’est un beau compliment”.
Et c’est une belle réponse.

A.S. restera une sorte de petit poucet discret de ma soirée, il aura laissé de petites traces de son passage un peu partout, sur ma peau ou mes vêtements, jusque dans mes yeux où j’ai trouvé une fibre de chanvre en rentrant.
Définitivement et bien plus rationnellement que la première fois, il reste mon encordeur favori.

samedi 1 janvier 2011

Elektro-chok, janvier 2011

MP3 en mode aléatoire. est-ce que j'écoute du rap ? oui, justement c'est "entre deux" de sniper.
En fait, j'écoute de tout sauf de la country.
La rage c'est beau, et le rap est la dernière musique enragée à mon sens. Des années plutôt ils auraient été punk, aujourd'hui, ils sont rappeurs mais ils viennent du même monde, des même quartiers, des mêmes caves, des mêmes histoires de vie où la prison et la "drogue" sont du quotidien.
Une sorte de monde de paria où s'entassent les exclus d'un système où je n'ai jamais su trouver ma place.
Mais je divague sur la musique sans en venir là où je devais.
Autocensure et suppression de plusieurs lignes pour recentrage.

Je m'arrache rarement du temps pour moi-même, ça fait parti de mes choix de vie autant que c'est une conséquence de ce que je suis.
Mais quand je m'en arrache c'est parce que je ressens l'écho d'un esprit. Se frotter à une belle âme c'est s'enrichir aussi.
Si tu dis être coutumier de la solitude au point d'y avoir développer une sorte de tolérance, c'est quelque chose que je n'ai jamais appris à supporter. Le poids de l'indicible solitude à laquelle est désespérément prédestinée l'humanité est quelque chose que j'ai beau pratiquer depuis tant d'années mais je n'arrive pas à m'y faire, c'est toujours un constat qui m'oppresse la gorge, me tord le ventre et me donne envie de me lacérer jusqu'à ce que mort s'en suive.
Et parfois, il y a une rencontre, quelque chose qui passe d'emblée avec l'autre, une sorte d'entente tacite où les mots sont inutiles tant la sensation de connaissance de l'autre est évidente. Cela ne m'arrive pas souvent ces rencontres et ma vie fait qu'elles sont souvent appelée à ne pas se reproduire, ça n'ôte rien au respect qui s'instaure de fait entre nous mais ça ôte le plaisir de jouir d'une sorte de "communauté d'âme", une sorte de petit instant magique où ce sentiment de solitude s'estompe parce que justement, pour une fois, pour une minute, pour une seconde, on ne l'est plus par la simple présence réconfortante de l'autre, par son regard, par le ton de sa voix...

Et j'ai fait une autre de ces rencontres et c'est pour elle que je m'arrache du temps en ce premier janvier 2011.
Une vie chaotique comme la mienne, une douleur dévorante qui me renvoie ma propre image en miroir et la sensation que quelque part, je vole cette rencontre à la vie quand il ne sait pas bien où son chemin le mènera.
Rendez-vous Opéra Garnier, flashback, des millions d'années que je ne suis plus venue ici, j'avais 17 ans et un look dans le style dandy à la Georges Sand parce que ma sœur m'appelait Sand depuis que mon premier livre avait été édité.
J'avais de longs cheveux que je m'apprêtais à couper pour la première fois depuis que j'étais rentrée en france parce qu'à l'agence, ils conseillaient de me dégrader les cheveux pour affiner mon visage. J'avais dix millions de certitudes dont la seule qui me reste, aujourd'hui, est qu'on traîne nos morts accrochés à nos pieds toute notre vie.

Je cale le sac à dos sur une barrière et je mets mes gants.
Un regard appelle le mien, N. est là. On va où ? pas d'avis.
Paris est désert, errance dans la capitale pour se poser, des phrases qui se lâchent au fil des pas, une voûte où j'entrevois une sorte de parc, je passe la tête dans la suivante, un beau lieu tout calme, je propose de s'y poser deux minutes, le temps que je fume mon poison.
Quelques phrases, c'est difficile d'aller vers l'autre, difficile parce que dangereux sans doute, mais c'est toujours des instants magiques qui laissent plus l'idée d'un sentiment général, une sorte de douceur, un tâtonnement de l'esprit.
Et puis la marche reprend avec un sac de moins, finalement entre parole et pas, on arrive dans un petit bar tout tranquillement niché au chaud, je ne sais pas bien où. Le lieu et l'intimité deviennent plus propices aux confidences, on décrit des grandes lignes, on pose des décors, toujours encore un peu en surface pour tenir dans un condensé mais avec déjà un pied dans le personnel.
Oser quelques questions timides pour faire des jonctions entre différents éléments, donner un peu de soi en réponse, éviter discrètement les sujets à tiroirs sur lesquels un condensé ne suffirait pas.
Le temps défile, un chocolat chaud, deux et c'est fini.

La vie m'a rattrapée.
N. propose de me raccompagner, on essaye de tricher comme on peut pour voler un peu plus de temps... Et finalement, c'est la foule du métro qui terminera de casser la bulle.
Gare de l'est, Fab monte pile dans notre wagon... hasard, karma, destin, évidence pour moi.
Fin de trajet dans l'éternel foule de 18h, trajet de filou dans les petites rues pour arriver à la salle. J'avais essayé d'en faire un tableau objectif à N., mais personne n'arrive jamais à vraiment imager la saleté repoussante de cette salle.
Flottement, finalement B. et M. sortent des loges alors que Y. arrive en cherchant S.
Si Y. est "déjà" là, c'est un signe évident de retard de notre part. Faut monter/installer/câbler.
N. nous quitte. Sur un coup de tête, je lui ai proposé de venir à la soirée, il a repéré les points d'attache dans la salle et expliqué ses intentions à Y.

Je suis un petit nuage et je trouve que la soirée ne commence pas assez vite. Pendant le repas, Y. revient quand même sur cette histoire de shibari en expliquant qu'il avait déjà eu des plaintes suite à un soumis en laisse dans la soirée.
Débauche d'arguments de ma part relayée par Fab en insistant sur le côté "non explicitement sexuel" de la chose. P. s'en mêle en disant qu'il faudra vérifier toutes les cartes d'identité à l'entrée... Puis finalement, il dit que c'est bête qu'on l'aurait mis sur le fly : ouf, gagné !
Et quand je vois l'image du bondage que peuvent avoir des personnes qui prétendent fréquenter une certaine alternative, je me dis que je devrais quand même essayer de comprendre comment le lambda perçoit la chose.
 Le début de la soirée est terriblement laborieux, froid et pénible. Le temps s'éternise en minute, plus longue les unes que les autres.
Finalement, il est enfin/déjà une heure de matin. N. avait prévenu qu'il faisait sa cendrillon à une heure du matin. C'est mort...
Heureusement, M. est passé et il fait le clown comme à son habitude en racontant des choses affreusement hilarantes, la soirée ne sera pas complètement perdue.

Et à un moment, dans un flash éblouissant de B., N. se matérialise devant moi.
Coup au cœur et stupéfaction.
J'aime bien ce côté "magique" qu'il a d'apparaître dans des moments improbables et j'imagine que lui s'amuse de cette surprise incrédule qui s'empare chaque fois de moi.
La musique beugle à un niveau sonore absolument anti-convivial, difficile d'échanger dans ces circonstances.
Malgré tout, je sais qu'il sera question de cordes et je n'ai qu'à ronger mon frein en attendant. Tellement focalisée sur ma propre envie, j'occulte la réalité de la soirée.
Et celle-ci me percute de plein fouet quand il devient vraiment question de cordes.
La foule, les flash, le son...
N. me dit de venir le rejoindre d'ici une minute... dire ça à une impatiente comme moi, compter le temps... Je jette la minute à l'infini et m'avance pour le rejoindre.
La foule, les flash, le son.
Quelques secondes, je me dis que c'est typiquement un plan d'arraché.
Puis N. "entre en contact" avec moi, la bulle commence à se former, comme un doux amortissement d'abord. J'ai la sensation que plus nous aurons l'occasion de nous découvrir, plus cette sensation gagnera en force et en rapidité de mise en place.
Et il me prend les mains pour les placer en face en face devant moi.
Déroutant. Il n'a jamais fait ce geste-là avec moi.
Instantanément, j'ai un flash de l'après-midi quand je lui expliquais que je différenciais les cordes des autres accessoires de bondage et qu'il avait ajouté "menotte" à mon listing.
Est-ce qu'un bondage peut s'interpréter comme un rêve ? pourquoi pas dans la mesure, où il laisse son "instinct" le guider pour encorder sans chercher à faire des figures imposés.
La situation m’interpelle assez pour que j'en garde les yeux ouverts, je le vois faire ses passages de cordes, cela aussi c'est imprégné d'une douceur ronde.
Logiquement, le fait de regarder le jeux de cordes m'aide à focaliser mon esprit dessus et la contrainte qui prend progressivement possession de moi me ferme les yeux et place le monde en sourdine.
Je dérive doucement au rythme des passages de cordes mobilisant mon esprit sur le moindre ressenti.
Ses mouvements pour me manipuler sont plus impérieux que les autres fois, et c'est forcément quelque chose qui résonne en écho en moi, comme cette petite tape sur la cuisse pour me faire comprendre de l'écarter plus.
Et cela donne nécessairement un souvenir plus charnel à l'expérience de mon point de vue.
Devant cette sorte de rappel à l'ordre, j'essaye de rester encore plus attentive au ressenti pour me plier aux exigences et comme souvent, la focalisation sur un objet précis aide à mieux décrocher.
Et c'est un autre ressenti qui me raccroche à la réalité, un millier de frôlements d'ailes de papillons jouent de moi, de mes sensations, de mon orientation. J'ai la sensation d'onduler avec mon corps pour suivre les caresses alors que je sais pertinemment que je suis pratiquement incapable de bouger.
Étonnant de constater combien dans l'immobilité un frémissement de muscles puisse sembler prendre une telle ampleur, par relativité sans doute.
De nouveau, la focalisation sur un objet précis joue son rôle et je perds la notion du temps et du lieu. Puis à un moment, les liens se font moins présents sans vraiment savoir comment ni pourquoi.
Le monde me revient dans toute la laideur des caves, que je préfère continuer de fermer les yeux pour mieux continuer de profiter.
Une voix fuse en référence au SM sortie tout droit d'un individu trop enivré et trop connu de moi pour qu'une parole aimable ne m'échappe. N. termine de me détacher, la bulle s'efface progressivement et la réalité prend corps.
Et je n'en apprécie que plus fort la sorte de magie qu'il y a entre lui et moi pour avoir réussi à faire abstraction de tout ce bruit, cette foule, ces flash.

La soirée se poursuit, des paroles se volent encore, comme un petit chemin vers l'autre qui se construit. Et N. s'en va. Je le raccompagne.
J'aimerais lui dire que j'aimerais le revoir mais je ne dis rien, sa vie est assez compliquée comme ça et quelque part, je pense qu'il le sait.
 Et si il est un enseignement à tirer de cette expérience, c'est cette évidence que je crois que N. avait déjà essayé de me faire passer.
A savoir que nos jeux de cordes auraient maintenant besoin d'une intimité qu'un lieu public même adapté ne peut plus leur offrir.