samedi 18 septembre 2010

FIP 38

Une soirée qui s'annonce sous les meilleures augures avec un bustier que Mlle Ilo me réserve et plusieurs amis qui doivent passer, même si je suis vaguement déçue que nul encordeur ne soit présent.
Mais un forgeron est annoncé et doit nous montrer plusieurs de ses créations dont un pilori métallique qui me titillait.
La soirée se prépare tranquillement, chacun commence à prendre ses marques dans la nouvelle salle et avec un bon coup de boost, finalement, tout est prêt presque en avance.

La soirée commence doucement quand un homme entre dans la salle avec une sorte de baluchon qui m'apparaît de suite comme évident quand à son contenu. Pourtant aucun de mes encordeurs précédents n'utilisaient ce genre de chose pour transporter leurs cordes mais c'est pour moi comme évidence, c'est un encordeur.
Je surveille du regard ce qu'il fait, il parle avec G-Ro puis quelque chose finit par me convaincre que j'ai bien raison, peut-être la façon de bouger - ça mériterait réflexion.
Évidement, je me positionne rapidement sur les rangs des volontaires, pour ces choses-là, il n'y a jamais personne pour commencer et quand ça se lance, il n'y a plus moyen de s'y faire une place. Il prend ses marques et vient finalement me proposer un jeu de corde.

Frison d'anticipation de la contrainte. Il me parle un peu pour savoir où je me situe avec les cordes. Difficile à dire, j'en rêve depuis 2 ou 3 ans avec la certitude que c'est un jeu que j'aimerais mais je n'ai pu pratiquer réellement que deux fois avec deux encordeurs différents. Qu'importe, en fait, je crois que l'essentiel du message à faire passer c'est que j'aime la contrainte.
Il me propose de m'attacher sur le fauteuil-roulant et d'emblée, je sens un écho chez cet encordeur.
Le fauteuil - "mon" fauteuil, quelque part - je l'adore, j'avais tant espéré qu'il inspire A.S. lors de nos jeux de cordes. J'accepte. Mais plutôt que de prendre ses cordes, il prend mes mains.
C'est le premier encordeur à prendre mes mains avant de m'attacher, ce sera donc le seul à savoir que mes mains sont pratiquement toujours froides parce que j'aime trop le LSD dont une des propriétés est d'altérer définitivement la micro-circulation périphérique.
Cela me touche qu'il ait pris cette précaution avant de m'attacher, cela me permet d'espérer une contrainte moins limitée par mes mains continuellement froides et qui m'avaient presque fait culpabiliser lors de ma dernière suspension. Il touche aussi mon dos et me fait lever les bras en les pliant, sans doute pour mesurer l'amplitude de mes mouvements. Je préfère éviter le sujet vaste et épineux de mon dos et acquiesce quand il me parle de contractures.
Je prends place dans le fauteuil, il lie d'abord mes pieds. Cela me laisse une liberté que je ne ressens pas d'habitude. Quelque part, inconsciemment je crois que pour moi, la contrainte ne prend réalité que lorsqu'elle existe sur mes bras ou mes avant-bras. La contrainte des pieds ou des jambes d'autant plus en étant assise reste assez anodine. Du coup, on se parle pendant qu'il m'attache.
C'est très étrange, normalement, je n'ose émettre un son pour ne pas déranger celui qui me donne de son temps pour un jeu de nœuds mais il y a comme une lascivité dans ses mouvements qui crée une sorte d'intimité plus proche que la corde entre nous qui m'autorise à poser quelques questions ou simplement à donner une impression.
J'aime la façon dont il passe ses cordes avec un mouvement particulier pour éviter que la fin de la corde ne cingle quand elle passe, ce mouvement existe avec une sorte de maladresse nonchalante chez A.MoR. et n'existe pratiquement pas dans l'impérativité des mouvements d'A.S.
Encore une fois, je prends conscience de l'importance de l'homme derrière les cordes. Finalement, il me prend la main droite et la place sur mon torse, je connais ce mouvement, j'aime cette contrainte, je dérive dans quelque chose de familier et tout devient plus facile.
Je pense que c'est à ce moment-là que j'ai dû fermer les yeux. Il termine de m'attacher et je peux prendre conscience de ma position "asymétrique", je me rappelle avoir lu quelque chose là-dessus quand je lisais beaucoup sur le web à propos des cordes, il me semble que cela en disait long sur la maîtrise de celui qui utilisait les cordes mais je ne suis plus sûre et ça n'a pas beaucoup d'importance en ce moment précis.
A un moment, il me met un bandeau sur les yeux, je ne sais plus si il me demande avant, je sais juste que comme toujours j'apprécie de pouvoir garder mes yeux fermés dans l'intimité du bandeau. Je me laisse aller dans la contrainte avec un monde réel lointain qui émet parfois quelques bruits déroutants. Et c'est un effleurement sur ma peau, la conscience s'éveille et se focalise sur la sensation, un frôlement de papillon qui glisse et me captive. C'est déroutant et inhabituel. La sensation s'envole et c'est un souffle que je sens maintenant.
Étourdissement devant l'évidence : sensation play.
Cordes : Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo : Paradoxal Studio ( http://www.paradoxal-studio.com/ )
C'est difficile d'aimer le sensation play avec quelqu'un qui ne vient pas spontanément vers ses jeux-là. Malgré différentes initiations, mon play partenaire ne va pas naturellement vers ces jeux-là, il apprécie si l'occasion se présente mais il ne la provoque pas. Sensation play.
Autre pensée fugitive d'une lecture sur les jeux de cordes " que faire de votre partenaire attachée ?" Le sensation play était présenté comme une option possible.
Retour sur la sensation qui ouvre d'autres dilemmes en moi : jusqu'où ai-je latitude de réagir, relent de pudeur face à un jeu que je considère comme hautement intime. Toujours cette vague submergeante de la contrainte qui me dérive en moi et balaie tout questionnement.
Pourtant, parallèlement c'est un peu comme si la contrainte n'existait plus, l'essentiel de moi-même se focalise sur les sensations caressantes qui me survolent en me frôlant. Il joue comme je peux jouer moi-même ; c'est étonnant d'être placée de l'autre côté d'un jeu qu'on ne connaît que d'un versant. C'est assez paradoxal, de constater combien la contrainte peut s'évanouir pour faire place à d'autres jeux qui ne prennent toute leur dimension que par l'existence de la contrainte.
Cordes : Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo : Paradoxal Studio ( http://www.paradoxal-studio.com/ )
Finalement, je crois qu'il me parle de sa voix caressante pour me signaler qu'il va me libérer, je crois que tout cela est tellement loin de moi à ce moment précis que je ne comprends vraiment de quoi il est question que lorsque je sens les cordes s'agiter et se délier sous ses doigts. La réalité reprend corps à mesure qu'il me délie. C'est toujours difficile d'abandonner les cordes, il y a comme un renoncement là-dedans.
Le contact avec le monde est toujours froid et anguleux mais pas cette fois, il s'attarde encore avec moi et me masse à différents endroits, c'est comme une bulle qui amortit ma chute. C'est étrange, déroutant et terriblement touchant.
Finalement, je le quitte en essayant de faire passer deux notions qui me semblent fondamentales : ma gratitude et mon espoir d'un nouveau jeu. A mesure que je réinvestie ma propre réalité, je réalise que les cordes n'ont pratiquement pas laissé de marques. Je le regrette vaguement parce que j'aime les marques, en général ; elles sont comme le prolongement d'une expérience, une sorte de continuité dans la réalité qui lui donne une sorte de substance.
Pourtant, en même temps, j'apprécie la maîtrise qui permet d'imposer une telle contrainte solide et ferme sans pourtant laisser de marques.

 La soirée se passe et il est très accaparé. Comme toujours dans ces cas-là, j'ai du mal à me mettre en avant, malgré mon désir, quand je me considère déjà comme une privilégiée puisque j'ai déjà été attachée. Mais en fait, c'est lui qui vient me proposer une suspension.
J'accepte avec plaisir quand V. se rappelle à son souvenir - il doit y avoir un karma avec ça pour que ça arrive pour la seconde fois dans le même genre de contexte... La suspension de V. se fait et à peine, descendue, elle file me chercher. Je lui dis que j'aimerais lui laisser le temps de ranger ses cordes et peut-être de boire un verre d'eau comme il désirait le faire avant.
Et je crois qu'il me fait signe, je m'avance et V. revient avec un verre d'eau, il la remercie et elle précise que l'initiative vient de moi - vague montée de rose aux joues. Il commence à installer ses cordes mais T. dont il monopolise l'espace studio-photo demande à reprendre la place.

On se déplace, il reprend rapidement ses marques et installe un autre point de suspension. Il commence de suite par prendre mes bras en arrière. L'esprit docile part en routine : mains/bras contraints = yeux clos = dérive dans la contrainte.
Ce deuxième passage par ses cordes me donne une lecture plus générale de sa façon de procéder. A.S. utilise la corde comme lien avec son partenaire et tout passe exclusivement par elle, un lien impérieux. Nicolas utilise la corde comme une passerelle qui lierait plutôt nos empathies mutuelles. Je n'ai pas assez jouer aux cordes avec A.MoR. pour avoir une lecture plus globale de son jeu de cordes mais l'évidence des différences de ressenti en fonction du partenaire m'impose de deviner que son lien est encore différent.
Étant debout et plus libre de mes mouvements qu'assise, j'essaye de faciliter le passage de cordes mais sa voix calme intervient et me demande de me détendre. Je me laisse aller dans les cordes.
Puis il m'assoit sur le radiateur et lève une première jambe, la fixe et place la deuxième. La suspension est en place mais le radiateur est inconfortable et j'ai peur d'abîmer le leggings que m'a prêté Mlle Ilo. La suspension s'achève rapidement avec un goût d'inachevé.

Il m'appuie contre lui avec la douceur d'une plume quand il me détache les bras, toujours cette sensation de bulle qui me touche infiniment.
La séparation a quelque chose de douloureux tant elle revêt pour moi une sensation de regret.
A peine, matérialisée dans la réalité, V. se jette sur moi pour me dire : "c'est extraordinaire comme on voyait vraiment ton "lâché-prise"". Un moment, je pense vaguement lui répondre. Lui dire qu'il suffit de me lier les bras - lier, pas seulement entraver - les bras pour obtenir ce genre de résultat chez moi mais elle est déjà repartie. Et il serait sans doute intéressant de s'attarder sur le processus mental qui fait que la sensation de contrainte dans les bras m'ôte toutes velléités de rébellion voir même induit chez moi un état d'une passivité assez déroutante.

 La soirée se termine, Nicolas revient vers moi, il me donne ses coordonnées et me dit que "ça passe bien avec moi" de sa voix encordante.
J'essaie de faire passer combien moi aussi j'ai apprécié l'expérience et espère une occasion de la poursuivre. Cette troisième confrontation aux jeux de cordes est finalement celle qui est la plus proche de ce que j'avais pu imaginer lors de ces années à seulement penser aux jeux de nœuds.
Et le fait que j'ai déjà eu d'autres expériences des jeux de liens avec des ressentis totalement différents la rend d'autant plus irréelle, quelque part.