samedi 28 mai 2011

FIP 46

12 jours en alerte orange, une tenue de soubrette en vinyle offerte par Ilo et des ongles assortis.
Un train trop long en retard et la foule des inconnus qui s’éveille quand on est poli avec.
Arrivé à la salle sans être les derniers et mise en route de l’installation.
Moi je bougonne contre le froid avec le souvenir vivace de la précédente soirée à la même date.
A.S. doit s’en souvenir autant que moi et me soutient auprès de H. qui sent forcément moins le froid avec son verre de whisky à la main…

Installation laborieuse. A 20 h, les sandwichs arrivent et on n’a pas fini d’installer le fumoir, c’est bien la première fois… Par contre, on a le même son partout et ça aussi, c’est bien la première fois. Et il fait toujours froid. Mais le temps file, il est 22 h, faut se changer, allumer les bougies. Et ça démarre, on y croit pas vraiment nous-même, trop froid.

N. arrive, il suggère naturellement un jeu de cordes, salue quelques personnes et revient me proposer de m’attacher.
Prise de contact, on cause un peu.
Il s’étonne de mon dos anormalement détendu pour ce qu’il en connait. Je repense au déplacement de la semaine passée. Je lui parle de mon métatarse en lui montrant de quel os je parle.
Et sans que je sois vraiment capable de faire une différence entre le temps de parole et celui des cordes, il prend mes poignets et les joint dans un geste naturel.
Pourtant c’est évident qu’il s’agit d’une posture de contrainte, je sais pour l’avoir vu que certaines personnes ne supportent physiquement pas qu’on leur prenne les poignets ainsi.
Et là, c’est naturel pas seulement pour moi ou pour lui, quelque part c’est tellement logique entre nous que ça tiendrait presque de l’automatisme - sans connotation péjorative mais plutôt dans l’esprit de « je le fais sans y avoir besoin d’y penser vraiment ».
Je trouve aussi qu’il est plus calme, quelque chose de plus posé dans les gestes, ça n’en change pas la précision, juste une incidence sur la rythmique quelque part.
La corde coure sur mes poignets, il replie mes avant-bras et passe autour des épaules. Je parle encore avec N. et A.S. quand la corde passe sur mes bras. Je ne lutte pas vraiment contre le pouvoir inducteur, sur moi, des cordes autour des épaules, je ferme les yeux dans un automatisme propre à l’hypnose. Isoler les bruits, ne retenir que la tonalité de la musique, la laisser calquer son rythme sur celui des cordes, ressentir les frôlements des passages de cordes. Se bercer dans la douceur d’un geste sûr et réconfortant, bander les muscles pour ressentir la tension des cordes et deviner leurs dessins sur le corps.
Toujours cette sensation que N. tisse un cocon de cordes.
Un geste incroyablement émouvant quelque part dans ce rempart de cordes qu’il dresse entre le monde et moi, une autre façon de voir son jeu de cordes qui ne m’avait pas frappée avant.
Toujours l’asymétrie des positions qu’il travaille, propre à son style et significatif de sa maîtrise que je ressens en focalisant mon esprit sur le ressenti. J’ai la sensation d’un jeu de cordes compliqué sur mon flanc droit, j’ai l’idée saugrenue de toucher pour mieux saisir la complexité des passages quand je réagis que mes mains sont liées à l’exact opposé de l’endroit en question et qu’il est seulement inutile d’agiter les doigts pour espérer sentir quoique ce soit.
Bêtement, je pense que j’aimerais bien avoir une 3° main…

L’air se modifie autour de moi et N. me mène au sol. Cela m’étonne toujours venant de lui, il ne m’a pas habituée à travailler au sol – avec moi, du moins. Il s’empresse de mettre quelque chose sous ma tête, ça aussi, ça m’étonne toujours ; je n’ai pas choisi d’être le genre de femme à qui s’adresse ce genre d’attentions, ça n’appartient pas à mon univers.
Il joue de mes sens et je m’emmêle dans le flot des souvenirs. Je sais qu’il me fait passer par plusieurs positions et si je me concentre sur cet élément du souvenir j’isole facilement 3 ou 4 pauses, debout, au sol, les pieds suspendus, les jambes repliées mais sans vraiment savoir si l’ordre est le bon. Je sais qu’il fait des « choses » avec ces histoires d’énergie que je ne comprends pas, parce que je l’ai senti se « connecter » sur mes genoux.
Je me demande dans quelle mesure, mon affaire de métatarse l’a fait se « brancher » sur mes jambes. Comme je m’interroge légitimement sur l’influence de son intervention dans le fait que mon os finira par se réaligner de lui-même dans la soirée.

La sensation aussi qu’à un moment, il n’a pas aimé la coloration de ma peau ou son ressenti sur les pieds parce qu’il y a une coïncidence trop évidente entre ces frôlements sur mes membres et les cordes qui se dénouent.
La sensation de la corde qui passe en étrier sous mon pied, aussi forte en induction chez moi que la corde sur les épaules. Faudra quand même que je me documente sur l’intersection entre hyper-vigilance et hypnose.
Et cela m’interroge quand même face à d’autres épisodes de ma vie, cette facilité à l’auto-induction est-elle vraiment une sorte d’aptitude naturelle ou quelque chose qui aurait été exploité dans d’autres tranches de vie où mes souvenirs sont plus absents ?
Et toujours ce côté plus calme chez lui qui me laisse un peu de temps pour m’explorer dans les cordes ou est-ce moi qui suit plus disponible à moi-même ?

Étrange relation en pointillé qui s’est instaurée entre nous où les deux progressent en parallèle et se rejoignent par des sortes de bond, une progression en saut comme un influx nerveux.
Étrangement, je n’ai pas de souvenirs des cordes qui s’ôtent.
Juste à un moment, il me redresse et il n’y a presque plus de cordes sur moi.
J’ouvre les yeux vers le mur, la lumière crue m’éblouit un peu, je cligne pour ajuster ma vue.

La soirée a continuée à s’emplir, c’est toujours étonnant de constater que le monde ne s’est pas arrêté quand on a eu la sensation de paralyser le temps.
On discute encore un peu, échange rapide de nouvelles et d’impressions.
Congratulations mutuelles et le temps reprend sa course.

Premier et dernier jeux de cordes de la soirée dont la prise de conscience sera une déception douloureuse en forme d’eau salée sur mes joues. Retour cruel à moi-même, constat affligeant et désespérant.

Le reste de la soirée filera entre les mégots à ramasser, les verres à empiler, les pauses clopes dehors et les échanges verbaux plus ou moins conviviaux.
Drôle de soirée : épuisante.
Satisfaisante dans son état de soirée mais peu gratifiante à titre personnel.