samedi 18 décembre 2010

FIP 41

Drôle de soirée qui s'annonce. N. a prévenu depuis des lustres qu'il ne serait pas là et JP fête son anniversaire, autant dire que, outre le plaisir de voir l'équipe (et encore V. est notée absente), j'aimerais être partout sauf là ce soir-là, enfin partout... à Bordeaux surtout.
Et puis surprise le vendredi soir, je trouve un mail de JD qui se propose de venir le lendemain à la FIP comme nous en avions parlé lors de notre première rencontre.
Je me dis que j'aurais au moins un jeu de cordes ce soir-là et c'est presque un soulagement, j'ai encore tellement de questions en moi sur le sujet et je me rappelle combien j'avais apprécié sa pédagogie.
La météo annonce l'apocalypse ou quelque chose d'approchant, l'installation de la soirée est laborieuse et le chauffage faiblard, ça part dans une ambiance stressé dont je m'échappe en m'accrochant à mes espoirs de nœuds.
Je préviens C. à la porte mais quand 22 h s'affiche, je pars me changer avec un sérieux bémol.
Quand je ressors avec ma "tenue de noël", le photographe de l'expo me lance un regard qui résonne comme un sifflement dans mon esprit et j'ai juste envie d'aller me cacher. C'est presque à ce moment-là que JD arrive, il regarde comment il peut se placer dans la salle - et je me félicite qu'on revoit la scénographie de la salle pour janvier, parce qu'avec les shows ça devient vite compliqué de trouver de la place à tout le monde, alors que la salle est grande...
Finalement, il s'installe aux mêmes endroits que d'habitude parce qu'en l'état, il n'y en pas d'autres.

H. annonce l'ouverture quand JD est encore sur l'escabeau, ça devient tendu, je vois bien H. retenir des paroles virulentes sous la pression mais le simple fait que les mots ne franchissent pas ses lèvres en dit long sur l'expression que doit lui renvoyer mon visage : quelque chose comme "touche pas à mes jeux de cordes".
Finalement, JC, G-Ro et JD testent les points de suspensions et je pars ranger l'escabeau dans le noir avec la flotte qui tombe du plafond...
Je remonte l'esprit un peu ailleurs, comme un début de soirée, quand tout est lancé, un espèce de petit blanc mental de soulagement. J'arrive en haut de l'escalier, je vois JD et installé par terre pour sortir son matériel, il y a N.
Minute d'incrédulité, butée de l'esprit sur sa propre conviction - N. avait dit qu'il ne viendrait pas - et la réalité de ce qu'il perçoit - N. est là. Dix mille pensées se bousculent lors de la fraction de seconde qui remet les processus mentaux en route, dont la première est d'être ennuyée de n'avoir plus de place vraiment adéquate à N. J'essaye d'être prévenante au mieux et encore une fois, je regrette V., gérer la vidéo, les verres vides, les mégots et être attentive avec les encordeurs présents, ça va m'occuper toute la soirée.

N. me propose un premier jeu de nœuds, toujours cette même façon de "prendre contact", une sorte d'effleurement de soi en face à face.
Une remarque sur mes mains, une question sur mon dos, je parle du faux mouvement qui me tétanise le trapèze depuis 3 jours, il me retourne et commence à palper mon dos.
Sa voix me glisse à l'oreille : "tu me fais, un petit peu confiance ?".
Mon être lâche un assentiment révolté par le restrictif "un petit peu" tout en s'étonnant de la question et il m'enserre dans ses bras en me décollant du sol. Je sens les clacs nets de 3 vertèbres dorsales qui se remettent en place. Je n'ai plus vu d'ostéopathe depuis au moins 15 ans mais je reconnaîtrais entre mille, ce soulagement instantané.
Et lui de lâcher un tranquille : "ça, c'est fait !" alors que ça fait bien 8 ans que je me plains de ces vertèbres.
J'en suis encore stupéfiante qu'il me passe déjà ses cordes. J'ai l'impression qu'elles sont plus petites que la dernière fois, je lui fais la remarque et il se moque de moi en me disant qu'elles s'usent.
Y. passe et commence à me parler, je trouve l'attitude irrespectueuse pour N. qui m'attache pendant ce temps-là et abrège la chose à la politesse élémentaire tout en complimentant la magnifique tenue de S.L., qui ne manque pas de se matérialiser devant moi pour cueillir elle-même le compliment. Fît de mondanité, me voilà enfin rendue aux cordes.
Je retrouve cette sensation de cocon propre aux passages de cordes de N. dans mon esprit.
Mes yeux se ferment seuls mais le placement dans la salle à côté d'un point de passage, crée une proximité avec la réalité qui la rend présente par vagues. Le son est différent, plus fort, trop présent, la foule aussi dont je ressens presque les mouvements autour de moi et dont j'entends les éclats de voix. N. me met un bandeau et malgré toutes les revendications du "bondage moderne" que j'ai pu lire ces derniers temps sur cet accessoire, je pressens qu'il visait plus à me préserver de ces échos extérieurs qu'autre chose.
Je dérive doucement dans les cordes, je ressens sa proximité et surtout à un moment, je ressens son absence. Un espèce de creux au ventre injustifié quand je sais qu'il ne doit jamais me quitter des yeux bien longtemps dans ces moments-là mais toujours une vague sensation de "manque".
Puis de nouveau, je ressens sa présence, l'abandon reflue et m'emporte, la réalité s'efface et je perds comme conscience de moi-même.
Et soudain, c'est comme si je me retrouvais en équilibre sur une jambe d'un coup. L'esprit perd pied, la sensation me rappelle vaguement celle de la narcose à l'azote, cet instant où le cerveau part en roue libre sans plus trouver ni d'envers, ni d'endroit à la réalité - et encore dans l'eau, il suffit de suivre les bulles pour s'y retrouver.
Finalement, j'entends la voix de N. comme un couperet : "dur l'équilibre, c'est pas pour toi, ça".
Cela me fait l'effet d'une sentence irrévocable, je voudrais plaider ma cause, dire que j'étais trop perdue en moi-même pour savoir trouver mon équilibre les yeux bandés mais c'est trop tard, les liens s'en vont.
Il me regarde dans les yeux et me dit que ça n'est pas grave.
Non, c'est pas grave mais je me sens nulle quand même...
Puis je me laisse le temps de me poser dans la réalité, c'est ma nouvelle résolution de cordes depuis mes discussions via mail avec SL : arrêter de voler mes instants de cordes et les vivre tranquillement sans culpabilité.

La soirée se poursuit, je sors fumer et j'y croise parfois, N. avec qui on échange quelques phrases.
Il réclame mes mots, c'est tellement inhabituel et tellement adéquate au moment où il est question de rééditer les bouquins en février.
J'ai l'impression qu'il y a des cordes partout à la FIP ce soir, je mange avec mes yeux.
Même A. est passé avec sa nouvelle partenaire et ses cordes.
La soirée est à l'exact opposé de ce qu'elle s'annonçait et ça me va très bien.
Je croise F. qui s'étonne que je ne sois pas dans des cordes et je rougirais presque de l'aveu que constitue sa remarque si je ne lui pardonnais pas tout depuis qu'il a pris La photo.

 Et alors, que la soirée me semble tirer sur sa fin, JD vient me proposer un jeu de cordes.
Il propose une suspension et je me dis que j'en profiterais sûrement mieux que dans un corset en latex comme la dernière fois. Il me place les mains dans le dos comme la première fois, je retrouve aussi avec une certaine familiarité sa façon de passer les cordes, comme une dessinant le passage des cordes avant et cette façon de passer son doigt pour déplisser la peau.
Il y a quelque chose de très attentionné dans sa façon de faire, de réconfortant en fait.
Évidement, je décroche à vitesse grand V avec "ma" combinaison gagnante : mains entravées + cordes sur les bras.
Je dois me faire violence pour conserver un minimum de réceptivité à l'extérieur pour essayer de faciliter ses passages de cordes ou garder mon équilibre pour la suspension proprement dite. J'ai la sensation qu'il a tissé une toile d'araignée sur mon buste et j'en ressens encore la pression juste au-dessus du sternum au moment de coucher ses mots.
Enfin, il m'arrache à la gravité et mes jambes sont liées dans une position équivalente à la dernière fois, qui me permet aisément de retrouver des repères familiers et les mouvements qu'il m'avait expliqué. Cette fois, pas de jupe en latex pour contrarier la mise en place d'une corde sur mes hanches, pas de sensation désagréable dans le bras gauche non plus, juste un inconfort dans la cheville où la corde me scie un peu.
Il place ses cordes et termine de m'immobiliser pour devenir maître de mes balancements.
Encore une étrange façon de disposer ou plutôt de non-disposer de soi.
Souvenirs enfantins et réconfortants de balançoire.
Le temps se suspend et seul compte vraiment ce doux balancement qui me berce d'une façon ludique et joyeuse. Et c'est des réflexions à poursuivre pour moi même, c'est évident que l'essentiel de notre histoire se lie dans notre enfance mais je réfute certaines analyses trop simplistes sur mon intérêt pour les cordes, même si sur ce point précis, je reconnais que l'affect fort que j'ai pour l'objet "balançoire" n'est pas étranger au fait que j'apprécie les suspensions de JD.
Il touche régulièrement mes membres pour s'assurer de la circulation.
A un moment, son attitude change du tout au tout, alors qu'il était surtout question de s'amuser de la suspension, il entreprend de me libérer.
Ma cheville me fait toujours souffrir et quelque part, je pense que c'est à cause de cela qu'il me détache. En fait, c'est ma main gauche qui le contrarie, elle a pris une couleur déplaisante selon lui.
Sur le coup, je ne comprends pas bien mais finalement je ressens les picotements stridents et chauds de la circulation qui reprend possession de ma main et c'est tout l'art de l'encordeur que de savoir pour moi.


Et pour tenir ma résolution, je sors fumer une "clope" tranquillement pour me laisser revenir dans la réalité.

Les gens sont de plus en plus nombreux à partir, la fin de soirée est proche.
N. me propose un ultime jeux de cordes en me disant que nous avons une sorte de tradition : il commence toujours par moi, il finit toujours par moi.
Coup au coeur de bonheur quand je croyais avoir gagné tous les jeux de cordes que je pouvais espérer.
Il propose de m'attacher par terre et cherche un endroit adéquate.
C'est T. qui nous libérera un peu de place sur le studio-photo.

Au dernier jeux de cordes, A.S. m'avait aussi attachée par terre mais A.S. est tellement éloigné de N. que je ne doute pas une minute que l'expérience soit différente.
En préambule, il me dit que si il sent que je suis fatiguée des cordes, il arrêtera.
Et quelque part en moi, je m'indigne : être fatiguée des cordes ? c'est seulement possible ?
Il commence par lier mes bras sur l'arrière puis me laisse glisser contre lui pour me mettre à terre.
Sa façon d'amortir ma descente au sol a quelque chose de chevaleresque. Puis il me lie les jambes en passant une de ses cordes sur mon pied droit de la façon dont Fab avait placé les siennes, jeudi, à la manière d'un étrier. Vertige. .Et il faudra aussi que je m'attarde à cela.
Y'a-t-il des endroits précis où placer les cordes pour que l'autre décroche ou est-ce simplement lié à cet autre ? auquel, cas si je comprends assez bien en quoi la combinaison mains entravées + cordes sur les bras fonctionne aussi bien chez moi, je ne comprends pas bien en quoi cette référence à des étriers me touche...
No way, le fait d'être allongée est de toute façon un facteur "aggravant" puisque même les élémentaires "efforts" de maintien visant à se tenir simplement droit n'y sont plus nécessaires.
Je dérive dans l'immobilité sécurisante des cordes avec la satisfaction de ne plus m'appartenir.
Quand je ressens un frôlement sur ma nuque. Mon référentiel fort à Ténébreuse me renvoie à l'intimité du geste. J'aimerais être un chat et faire ma nuque "ronde" comme pour mieux recevoir la caresse.
L'univers se résume à ses doigts qui courent dans ma nuque et c'est comme si le monde devenait la douceur de ce geste.
Le temps se paralyse et je ne sais pas bien comment mais à un moment, je suis assise par terre dans la pénombre à côté de Nicolas, je remets mes chaussures.

Le reste n'est rien de plus que la fin d'une soirée et son rangement.
Avec seulement, ces mots de N. qui touchent un écho en moi quand il me dit : "écris-moi".

samedi 27 novembre 2010

FIP 40

La Mano à fond dans les oreilles.
Parce que la personne à qui s'adresse le plus ce report - après mon autre moi-même - a parlé de ce groupe avec une sorte de ferveur dans la voix qui laisse entendre que c'est quelque chose d'important et que ça colle avec l'âge supposé. Et c'est Soledad que j'ai choisi dans le choix de la première page de Youtube. La Mano Negra, les années 1990... une décennie où j'étais trop occupée à passer à côté de ma vie ou simplement de la vie.
Pourtant, la Mano c'est bien le seul groupe qui aura réussi à me faire dresser une oreille attentive sur ces années-là. Certainement à cause de l'usage de l'espagnol, ma première langue au bac et peut-être aussi parce que les chansons reflétait une certaine réalité de ma vie de l'époque.

Fin de digression, c'est la Mano qui rythme mes mots et c'est étonnant pour un souvenir que j'habillerais plus facilement d'Heavenly Voices.

 Une soirée qui s'est placée dans ma vie comme un point d'étape.
Ces sortes de dates butoir sur lesquels on s'accroche pour continuer d'avancer quand on voudrait simplement s'effondrer. J'ai besoin de jalonner ma vie de ces dates qui donnent un sens à l’empilement des jours, ça me rassure dans un quotidien qui n'a, pourtant rien de quotidien.

H. a vu Nicolas au Cabaret Rouge, il s'est proposé pour jouer de ses nœuds à la FIP et il me l'a confirmé dans un mail rapide. Je sais que j'aurais au moins un jeu de cordes et il me suffit de rôtir tranquillement sur la grille de l'impatience. La mise en place gagne en rapidité à chaque soirée malgré les nouveaux inévitables imprévus et autres impondérables.
Finalement, il nous reste 1h30 avant la soirée quand le plus gros est fait et qu'on peut se poser.

Nicolas arrive à peu près à ce moment-là. Il salue l'assemblée et s'approche de moi, échange de regard, comme une impression de connexion, quelque chose de la reconnaissance à l'autre. Je regarde avec lui comment il peut s'installer, je propose d'aider mais je ne suis d'aucune aide. Je pense que je reprécise encore combien je suis volontaire pour tous jeux de cordes et finalement, je m'éclipse. Je ne sais pas m'imposer. Tout est finalement en place à temps et la soirée se lance.

Les débuts de soirée sont toujours pénibles, le son n'est pas assez fort pour se mettre dedans, la foule éparse jette des regards inquisiteurs à la salle, c'est comme un flottement de transition un peu brouillon.

Nicolas vient me proposer un jeu du corde, arguant, à raison, que l'absence de public du début de soirée est propice. C'est totalement différent de toutes les autres fois, puisque c'est la première fois que je pratique avec quelqu'un avec qui j'ai déjà joué. Mes doutes sur ma latitude d'action ont été balayé par une discussion avec qui de droit. Ma confiance de la première fois est devenue une certitude.
Il prend mes mains, constate de lui-même qu'elles sont froides malgré mes mitaines en laine - tout se paye, c'est mon tribut au LSD, et c'est pas si cher payé. Il prend la mesure de mon état de fatigue/nerf en massant mes épaules, il parle de scoliose à propos de mon dos, je dis juste que c'est compliqué, il répond qu'il ne veut pas savoir et c'est plus simple - même si je sais facilement résumer des choses qui ne le devraient pas.
Il prend ma main et commence son jeu de corde en me maintenant la main droite en l'air avec son point de suspension et ramène mon autre main sur mon buste. J'apprécie de retrouver sa façon de passer les cordes : j'aime ses mouvements doux, assurés et dépourvus de toute hésitation perceptible.
C'est comme un doux ronronnement rassurant qui facilite ma dérive, il y a comme une rythmique dans ses mouvements que je ne retrouvais pas dans les passages successifs et appliqués de F.JD. pour arriver à placer ses cordes très exactement à l'endroit où il l'avait prévu. Et toujours ces rapprochements avec l'auto-hypnose qui me semblent d'une évidence incontournable.
Et là, encore, jusqu'où le bondage emprunte les codes du BDSM ? là où le BDSM parle de subspace qu'en dit le bondage...
Avec le recul, je constate aussi que les jeux de contrainte n'amènent pas les mêmes processus mentaux. Là où je cherchais à comprendre la finalité sur un défi quitte à en brouiller les premiers instants ; ici, je sais que la finalité est la contrainte et qu'importe le moyen, puisque je connais le résultat. Et je ne suis pas encore habituée à l'idée de la passivité physique et psychique qu'induit chez moi ce genre de jeux, sans pourtant de sentiment de renoncement. Mes bras sont maintenant contraints et il continue de placer des cordes sur moi sans que je comprenne vraiment toutes les subtilités de son oeuvre - quelque part, je m'en veux, j'ai l'impression que ce n'est peut-être pas respectueux de son travail des cordes que d'y prêter si peu d'attention - avec les yeux du moins.
Cordes : Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo : Paradoxal Studio ( http://www.paradoxal-studio.com/ )
Comme toujours, il y a cette micro-fraction de seconde où le corps se bande pour éprouver les cordes comme dans un mouvement réflexe et tout de suite derrière un intense relâchement que je n'ai l'impression d'éprouver que dans les cordes. La réalité passe à un autre niveau pour se résumer au bruit et à la sensation de frottement des cordes.
La dérive me fait parfois perdre l'équilibre mais on dirait qu'il y a comme un niveau de conscience en sourdine qui attrape la corde de la main droite pour se rétablir, le geste s'effectue avec un naturel déconcertant, c'est une évidence, alors que c'est une première fois et que je n'ai même pas le niveau de conscience nécessaire, quelque chose de l'ordre de la mécanique pure, c'est le corps qui se prend en charge lui-même, tellement différent de ce que je suis, déroutant.
Cordes : Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo : Paradoxal Studio ( http://www.paradoxal-studio.com/ )
Il place ses cordes, déplace d'autres cordes, change certaines positions, j'ai l'impression de retrouver le dernier jeu de cordes avec A.S. qui m'avait si profondément troublée. Instinctivement, j'ai appuyé ma tête sur mon bras, je dodeline au rythme de la corde sans effort. Son jeu de corde remonte et il passe une corde en travers de mes yeux clos.
Tout cela paraît logique quelque part, j'ai l'impression d'être recouverte littéralement de la tête aux pieds d'un cocon de cordes et rien d'autres n'a vraiment d'importance. Puis les cordes se dénouent, sans se renouer, le froid me saisit.

Cordes : Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo : Paradoxal Studio ( http://www.paradoxal-studio.com/ )
Une pensée furtive me rappelle les perles de soumises de Khayyam's Alamut : "C'est vrai que ça tient chaud, les cordes, en fin de compte".
Je voudrais du calme, je voudrais de l'intimité, je voudrais une bulle, peut-être même que je voudrais pleurer, je ne sais pas. L'esprit se réveille dans une espèce de brume et se cogne à la réalité en générant des actes désordonnés et sans suite logique.
Finalement, je me pose sur une chaise mais cela n'est pas suffisant pour amortir la confrontation brutale avec la réalité. J'ai comme un sentiment intense de vide qui me donne l'impression d'avoir été nulle, de ne pas lui avoir fait passer ma reconnaissance...

 La soirée reprend son cour et je descends vider les cendriers. En passant à proximité d'un groupe, une voix masculine m’interpelle d'un ton appréciateur " mais c'est notre modèle shibari !". Et si le ton n'avait pas été si conquérant, je lui aurais peut-être répondu qu'il faisait erreur, que je n'étais pas modèle, loin s'en fallait, grande débutante que je suis.
 Mais sa tonalité d'acheteur de foire aux bestiaux se butte à l'amazone libre en moi et j'ignore ce qui n'est pourtant qu'une sorte de prélude à ce qui restera le thème de la soirée : "mon lâcher-prise".

Puis à un moment, Nicolas revient me voir et me propose de faire une suspension ensemble.
Coup au cœur.
 La soirée se poursuit dans le froid et il est bien occupé par diverses demandes de nœuds.
Pourtant, à un moment, il se matérialise devant moi. Je le suis.
Il parle de suspension de côté et me demande de retirer mes chaussures. Il commence d’emblée par lier mes membres supérieures.
La fatigue m'aide à décrocher encore plus vite et le reste est flou.
J'essaye pourtant de maintenir un semblant de vigilance en me rappelant que la mise en place de la suspension proprement dite est quelque chose de rapide. Il place ses cordes sur ma cuisse gauche, me la lève, fait quelques mouvements qui tiennent presque de la magie pour moi et me voilà suspendue. Il me fait comprendre de maintenir mon autre jambe au niveau de la première pour passer ses cordes. Mon buste et mes membres supérieurs me servent d'appui, je retrouve quelque chose de proche de la suspension avec F.JD. : une autre façon de disposer de soi.
J'essaye de bouger mes jambes comme il me l'avait appris mais ma latitude de mouvement est différente même si mon ressenti dans l'espace est assez proche. Je me laisse re-dériver dans la contrainte bercée par ses mouvements et ses passages de cordes, le temps s'efface.
C'est la fatigue des cervicales qui me rattrape et sonne le glas de ma suspension.
Encore une fois, je m'en veux de si peu de résistance, même si il me dit que ce genre de suspension est a priori plus difficilement supporté en occident.
On échange encore quelques propos de discussion non abouties où l'on se remercie mutuellement, chacun expliquant à l'autre combien il a surtout la sensation de prendre.
Et si j'ai une conscience aiguë du temps qu'il m'accorde, de l'attention qu'il me porte pendant les jeux de cordes, je ne vois pas en quoi lui, il pourrait bien me "prendre" quelque chose...

Je le quitte à grand regret avec ce même goût d'inachevé que la première fois et c'est sans doute plus à mettre sur le compte de mon éternelle soif de contrainte. Plus tard dans la soirée, V. revient me voir, elle me parle encore de l'attitude que j'ai dans la contrainte, j'essaye encore de lui faire comprendre que je n'y vois rien d'exceptionnel outre le talent de l'attacheur.
Elle part dans une de ces phrases-vérités en expliquant que ce que je renvois est si fort que cela rend l'acte beau et plaisant à regarder pour le public - plus plaisant qu'avec d'autres volontaires selon elle. Et même si le pincement au cœur que je ressens quand elle m'explique me permet de deviner qu'elle a raison, c'est trop loin de la réalité que j'ai de moi-même pour que je puisse comprendre.
Puis c'est F., le motard, qui m'aborde sur la piste de danse pour me dire que ma façon de m'abandonner dans les cordes est quelque chose qu'il a apprécié.
Et là encore, je ne sais pas bien quoi répondre...
En fin de soirée, c'est T. qui vient me voir en me disant qu'il a fait des photos et qu'on voit bien comment je m'abandonne, rejoint par N. qui explique presque que c'était si captivant qu'elle a préféré regarder plutôt que de photographier.
Encore, une fois, je déments et en accorde tout le bénéfice aux jeux de cordes de Nicolas vers lequel ils se tournent par réflexe et il répond simplement : "non c'est elle" en me désignant du menton.

Et je crois qu'il sera là mon plus grand défi avec les cordes : comprendre.

samedi 30 octobre 2010

FIP 39

Lendemain de soirée et souvenirs à épingler.

Une soirée où j'arrive maussade, heureuse de retrouver l'équipe mais déçue par le fait que nul manieur de corde ne se soit annoncé. Et je sais bien que c'est pourtant ma meilleure option d'étancher ma soif de découvrir, d'explorer et d'apprendre les jeux de cordes.
Mon play-partenaire est encore "niveau grand débutant" et apprend plus de moi que je n'apprends de lui. Je devine par trop ses hésitations pour me détacher complètement de moi-même même si je profite du confort indiscutable de l'intimité et que ces moments-là sont toujours générateurs d'introspection.

 La soirée s'égraine, deux manieurs de cordes sont finalement présents, je les repère à leur petite mallette. C'est un couple. Elle semble débuter, je connais même les passages de cordes qu'elle met en place et il reprend ses nœuds en vérifiant la tension des cordes qu'elle place. C'est idiot et peut-être snob mais c'est la corde synthétique qu'elle place sur un travesti pour réaliser une sorte de corset qui m'arrêtera dans mon frémissement d'élan pour quémander un jeu de nœuds.

 Et c'est un autre manieur de corde qui attirera mon attention. Plaçant typiquement de quoi mettre en place une suspension, je le regarde s'affairer d'un œil curieux. Puis finalement, il commence à attacher d'abord un homme puis une femme. Sa façon de jouer avec la suspension me rappelle un ami avec qui je n'ai pas pu jouer à cause d'un vilain rhume mal tombé et m'interpelle forcément.
Pourtant, ça serait bien la première fois que j'irais quémander des nœuds auprès d'un inconnu total et je ne sais pas bien si j'en serais vraiment capable. Mais mon regard dérive trop facilement sur les cordes et voilà que M. se matérialise devant moi, cet espèce de grand dingue envers qui j'ai une confiance infaillible - concernant certains sujets, du moins.
Quelque part, je n'attends qu'un assentiment quelque peu favorable et tout compte c'est presque un concert d'éloge que je reçois en guise de présentation. Et ça me servira de "courage" pour aller finalement le voir.
 Il me répond qu'il veut bien m'accorder un peu de son temps pour un jeu de cordes mais désire une légitime pause avant de repartir à faire des nœuds.
Qu'importe toutes les pauses du monde, si je suis sur le carnet de bal.

Il disparaît puis finit par réapparaître avec un petit signe de tête. Je le suis et il me désigne ses cordes en m'expliquant qu'il désire les ranger. Je m'assieds à côté de lui, je ne sais jamais si j'ai le droit ou non d'aider à ranger des cordes. Dans le doute, je m'abstiens mais je reste avec lui, après tout ces cordes ils les préparent un peu pour moi quelque part. Je remarque qu'il a une façon toute particulière de les ranger avec une espèce de boucle au début.
Et puis, il me demande ce que je souhaite. Deux fois qu'on me pose cette question, deux fois que je ne sais pas quoi y répondre. Je suggère que du moment qu'il est question de cordes, je suis pratiquement prête à tout. Il me parle de ma condition physique et je voudrais un joker pour ne plus répondre à celle-là, comment résumer ça en une phrase courte et concise...
Il me parle d'une suspension avec un final où il est question de nouer mes jambes dans son dos en tenant mes abdos. Cela ne me parait pas surréaliste mais c'est tellement difficile pour moi d'être positive sur moi-même.
Et puis, zut, mes choix de vie sont trop décalés, je ne sais pas si je suis sportive, mais je sais que je peux me battre et avoir le dessus donc forcément que mes abdos doivent pas être trop mous.
Dix milles réponses possibles flashent en une minute et je crois que je réponds simplement "oui" car c'est encore le plus clair.
 Il commence à placer ses cordes sur moi, bras croisés dans le dos... Touchée.
Il me dit que la façon dont je place mes poignets est la bonne. C'est le premier à me le dire, ça, aussi, ça me touche.
Il place ses cordes de cette façon englobante que j'ai découverte avec A.S. mais sans les serrer et c'est complètement différent. Il y a ce côté englobant de la mise en place de la corde qui est simplement enivrant de mon point de vue, avec la tension de la contrainte vraiment présente mais avec une sorte de subtilité là où A.S. avait un côté plus "brut" (ou "brute" d'ailleurs, sans sens péjoratif aucun).
Étrange et déroutant comme toute nouvelle découverte. Une main furtive passe entre mes seins et sa voix explique aussitôt qu'il vérifie que le placement des cordes n'appuie pas sur le sternum. Il continue de placer ses cordes et j'essaye au mieux d'en faciliter l'oeuvre.
Puis il me demande de m'agenouiller, toujours de façon très pédagogique en m'expliquant le pourquoi de sa demande et j'apprécie qu'il en prenne le soin même si quelque part cela n'a pas d'importance. Si j'accepte de porter ses cordes, je m'en remets totalement à lui. Mon rôle ne consiste plus alors qu'à le prévenir en cas de fourmillement, coupure de circulation et autres inconforts trop présents. Mais c'est sans doute ma propre vision de ce genre de jeux. Il me prend la cuisse et place les cordes.

Je commence à comprendre la position et je sens déjà la suspension dans mon buste. Et je réalise, soudain, que tout va finalement aller très vite comme ma première suspension avec A.MoR.
Je crois qu'il me faudra encore quelques expériences du genre pour ne plus être surprise quand finalement la suspension en elle-même se met en place. Le fait d'avoir les bras contraints me coupe trop vite de la réalité, quelque part pour que j'analyse en temps réel ce qu'il se passe. Il prend ma cheville et me dit de me laisser aller dans la suspension en pliant vers l'avant, avec un bustier en latex...
Une fois, dans la suspension, il me berce doucement et m'explique les mouvements que je peux faire et leurs effets. Les cordes deviennent le centre de mon univers et je m'amuse avec d'une manière qui m'étonne moi-même.

C'est une autre façon de disposer de son corps et c'est une belle découverte qu'il m'offre là. Les cordes me sciaient la cuisse quand il terminait ses nœuds mais finalement une fois le poids réparti c'est quelque chose de totalement accessoire. L'esprit associe différentes images au souvenir de la sensation, dont une scène de ménage avec un fourreau à bras de la "house of Gord" qu'il décrypte d'une autre façon. Même si je voue une sorte de culte aux créations de Gord et que j'admire sa façon d'explorer la forniphilie, il y a toujours une sorte de bémol en moi qui modère mon enthousiasme avec la réalité de ma façon d'être. Et cette femme en catsuit, fourreau à bras et ballet-boots en train d'épousseter avec un bâillon se terminant en plumeau faisait quelque part parti du surréalisme de Gord. Mais maintenant que j'ai moi-même expérimenté cette immobilité fixe des membres inférieur alors que les jambes restent libres, je vois la scène d'une manière différente et j'en comprends mieux le sens pour la protagoniste.

Disposer de soi-même autrement mobilise l'esprit en le focalisant sur un élément précis : auto-hypnose et autres états modifiés de conscience. Je passe parfois à côté d'évidences...
Une autre image apparaît aussi c'est celle d'A. dans les cordes d'A. Mon propre jeu dans les cordes étant évidement à 100 lieues de sa maîtrise, la similitude des deux jeux est pourtant évidente même si ses bras étaient libres.
Et c'est une direction des jeux de cordes par laquelle je ne m'étais pas sentie particulièrement attirée jusque là et dont je devine mieux la dimension. Cela me ramène à un rapport exclusif avec la corde que j'associe à celui d'A.S., une même façon de vivre la chose pourtant chacun d'un côté de la corde.
Et le simple fait qu'une corde bien placée puisse suffire à effacer la réalité de mon univers devrait m'interroger sur ce type de relationnel dont je saisissais mal la tangibilité avant de l'expérimenter. Il arrête les balancements et essaye de placer une autre corde sur mes hanches mais ma tenue ne l'aide pas, j'essaye de me placer dans les cordes pour faciliter son oeuvre.

La morsure des cordes redevient présente, surtout dans le bras gauche sur lequel je m'appuie. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis dans les cordes mais j'ai l'impression que c'est à peine une poignée de minutes. Mobiliser la volonté pour effacer la douleur quand des fourmillements persistants poussent sur mes lèvres les mots de la fin. Il me ré-explique le final dont il m'avait parlé.
Les fourmillements s'arrêtent comme d'un seul coup et j'ai la sensation étrange et douloureuse que mon bras "se vide". Mon bras mobilise tout mon esprit alors que j'essaie d'exécuter au mieux ce que l'on attends de moi.
Puis, à un moment, il touche une corde et alors que mes poignets sont toujours solidaires, je sens mon bras reprendre vie avec une sorte de vague de picotements chauds. Autour de moi, le monde recommence à palpiter.

C'est la fin de soirée, il faut ranger et je suis assise sur l'estrade avec encore quelques cordes sur moi. Je voudrais m'allonger là où je suis sans bouger, je voudrais fumer, je voudrais prendre le temps de revenir, je voudrais, enfin, j'aurais voulu...
J'essaye d'échanger des paroles rationnelles avec lui et de lui faire passer ma gratitude puis l'esprit bascule dans une autre forme d'automatisme et je vais ranger tractée par la force de l'habitude. Avec pourtant une nette sensation d'inachevée que j'avais déjà perçue en sourdine avec N. et je me demande à quel point le bondage reprend les rituels du BDSM et si l'aftercare y a sa place, logiquement oui dans une optique affichée d'état modifié de conscience.
 Il y a comme une sorte de magnétisme qui me ramène par vagues vers l'encordeur, pour échanger quelques phrases trop superficielles pour se justifier.

A un de ces moments, il me parle des marques que je porte encore, je passe ma main dessus, on sent le dessin de la trame de la corde : j'adore. Quelque part, ces marques qui m'enserrent les épaules comme le ferait un bras réconfortant prolongent l'expérience dans le sens d'un aftercare.
J'espère intérieurement qu'elles seront encore présentes le lendemain au moins.

samedi 18 septembre 2010

FIP 38

Une soirée qui s'annonce sous les meilleures augures avec un bustier que Mlle Ilo me réserve et plusieurs amis qui doivent passer, même si je suis vaguement déçue que nul encordeur ne soit présent.
Mais un forgeron est annoncé et doit nous montrer plusieurs de ses créations dont un pilori métallique qui me titillait.
La soirée se prépare tranquillement, chacun commence à prendre ses marques dans la nouvelle salle et avec un bon coup de boost, finalement, tout est prêt presque en avance.

La soirée commence doucement quand un homme entre dans la salle avec une sorte de baluchon qui m'apparaît de suite comme évident quand à son contenu. Pourtant aucun de mes encordeurs précédents n'utilisaient ce genre de chose pour transporter leurs cordes mais c'est pour moi comme évidence, c'est un encordeur.
Je surveille du regard ce qu'il fait, il parle avec G-Ro puis quelque chose finit par me convaincre que j'ai bien raison, peut-être la façon de bouger - ça mériterait réflexion.
Évidement, je me positionne rapidement sur les rangs des volontaires, pour ces choses-là, il n'y a jamais personne pour commencer et quand ça se lance, il n'y a plus moyen de s'y faire une place. Il prend ses marques et vient finalement me proposer un jeu de corde.

Frison d'anticipation de la contrainte. Il me parle un peu pour savoir où je me situe avec les cordes. Difficile à dire, j'en rêve depuis 2 ou 3 ans avec la certitude que c'est un jeu que j'aimerais mais je n'ai pu pratiquer réellement que deux fois avec deux encordeurs différents. Qu'importe, en fait, je crois que l'essentiel du message à faire passer c'est que j'aime la contrainte.
Il me propose de m'attacher sur le fauteuil-roulant et d'emblée, je sens un écho chez cet encordeur.
Le fauteuil - "mon" fauteuil, quelque part - je l'adore, j'avais tant espéré qu'il inspire A.S. lors de nos jeux de cordes. J'accepte. Mais plutôt que de prendre ses cordes, il prend mes mains.
C'est le premier encordeur à prendre mes mains avant de m'attacher, ce sera donc le seul à savoir que mes mains sont pratiquement toujours froides parce que j'aime trop le LSD dont une des propriétés est d'altérer définitivement la micro-circulation périphérique.
Cela me touche qu'il ait pris cette précaution avant de m'attacher, cela me permet d'espérer une contrainte moins limitée par mes mains continuellement froides et qui m'avaient presque fait culpabiliser lors de ma dernière suspension. Il touche aussi mon dos et me fait lever les bras en les pliant, sans doute pour mesurer l'amplitude de mes mouvements. Je préfère éviter le sujet vaste et épineux de mon dos et acquiesce quand il me parle de contractures.
Je prends place dans le fauteuil, il lie d'abord mes pieds. Cela me laisse une liberté que je ne ressens pas d'habitude. Quelque part, inconsciemment je crois que pour moi, la contrainte ne prend réalité que lorsqu'elle existe sur mes bras ou mes avant-bras. La contrainte des pieds ou des jambes d'autant plus en étant assise reste assez anodine. Du coup, on se parle pendant qu'il m'attache.
C'est très étrange, normalement, je n'ose émettre un son pour ne pas déranger celui qui me donne de son temps pour un jeu de nœuds mais il y a comme une lascivité dans ses mouvements qui crée une sorte d'intimité plus proche que la corde entre nous qui m'autorise à poser quelques questions ou simplement à donner une impression.
J'aime la façon dont il passe ses cordes avec un mouvement particulier pour éviter que la fin de la corde ne cingle quand elle passe, ce mouvement existe avec une sorte de maladresse nonchalante chez A.MoR. et n'existe pratiquement pas dans l'impérativité des mouvements d'A.S.
Encore une fois, je prends conscience de l'importance de l'homme derrière les cordes. Finalement, il me prend la main droite et la place sur mon torse, je connais ce mouvement, j'aime cette contrainte, je dérive dans quelque chose de familier et tout devient plus facile.
Je pense que c'est à ce moment-là que j'ai dû fermer les yeux. Il termine de m'attacher et je peux prendre conscience de ma position "asymétrique", je me rappelle avoir lu quelque chose là-dessus quand je lisais beaucoup sur le web à propos des cordes, il me semble que cela en disait long sur la maîtrise de celui qui utilisait les cordes mais je ne suis plus sûre et ça n'a pas beaucoup d'importance en ce moment précis.
A un moment, il me met un bandeau sur les yeux, je ne sais plus si il me demande avant, je sais juste que comme toujours j'apprécie de pouvoir garder mes yeux fermés dans l'intimité du bandeau. Je me laisse aller dans la contrainte avec un monde réel lointain qui émet parfois quelques bruits déroutants. Et c'est un effleurement sur ma peau, la conscience s'éveille et se focalise sur la sensation, un frôlement de papillon qui glisse et me captive. C'est déroutant et inhabituel. La sensation s'envole et c'est un souffle que je sens maintenant.
Étourdissement devant l'évidence : sensation play.
Cordes : Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo : Paradoxal Studio ( http://www.paradoxal-studio.com/ )
C'est difficile d'aimer le sensation play avec quelqu'un qui ne vient pas spontanément vers ses jeux-là. Malgré différentes initiations, mon play partenaire ne va pas naturellement vers ces jeux-là, il apprécie si l'occasion se présente mais il ne la provoque pas. Sensation play.
Autre pensée fugitive d'une lecture sur les jeux de cordes " que faire de votre partenaire attachée ?" Le sensation play était présenté comme une option possible.
Retour sur la sensation qui ouvre d'autres dilemmes en moi : jusqu'où ai-je latitude de réagir, relent de pudeur face à un jeu que je considère comme hautement intime. Toujours cette vague submergeante de la contrainte qui me dérive en moi et balaie tout questionnement.
Pourtant, parallèlement c'est un peu comme si la contrainte n'existait plus, l'essentiel de moi-même se focalise sur les sensations caressantes qui me survolent en me frôlant. Il joue comme je peux jouer moi-même ; c'est étonnant d'être placée de l'autre côté d'un jeu qu'on ne connaît que d'un versant. C'est assez paradoxal, de constater combien la contrainte peut s'évanouir pour faire place à d'autres jeux qui ne prennent toute leur dimension que par l'existence de la contrainte.
Cordes : Yoroi (http://yoroi-shibari.net/) - Photo : Paradoxal Studio ( http://www.paradoxal-studio.com/ )
Finalement, je crois qu'il me parle de sa voix caressante pour me signaler qu'il va me libérer, je crois que tout cela est tellement loin de moi à ce moment précis que je ne comprends vraiment de quoi il est question que lorsque je sens les cordes s'agiter et se délier sous ses doigts. La réalité reprend corps à mesure qu'il me délie. C'est toujours difficile d'abandonner les cordes, il y a comme un renoncement là-dedans.
Le contact avec le monde est toujours froid et anguleux mais pas cette fois, il s'attarde encore avec moi et me masse à différents endroits, c'est comme une bulle qui amortit ma chute. C'est étrange, déroutant et terriblement touchant.
Finalement, je le quitte en essayant de faire passer deux notions qui me semblent fondamentales : ma gratitude et mon espoir d'un nouveau jeu. A mesure que je réinvestie ma propre réalité, je réalise que les cordes n'ont pratiquement pas laissé de marques. Je le regrette vaguement parce que j'aime les marques, en général ; elles sont comme le prolongement d'une expérience, une sorte de continuité dans la réalité qui lui donne une sorte de substance.
Pourtant, en même temps, j'apprécie la maîtrise qui permet d'imposer une telle contrainte solide et ferme sans pourtant laisser de marques.

 La soirée se passe et il est très accaparé. Comme toujours dans ces cas-là, j'ai du mal à me mettre en avant, malgré mon désir, quand je me considère déjà comme une privilégiée puisque j'ai déjà été attachée. Mais en fait, c'est lui qui vient me proposer une suspension.
J'accepte avec plaisir quand V. se rappelle à son souvenir - il doit y avoir un karma avec ça pour que ça arrive pour la seconde fois dans le même genre de contexte... La suspension de V. se fait et à peine, descendue, elle file me chercher. Je lui dis que j'aimerais lui laisser le temps de ranger ses cordes et peut-être de boire un verre d'eau comme il désirait le faire avant.
Et je crois qu'il me fait signe, je m'avance et V. revient avec un verre d'eau, il la remercie et elle précise que l'initiative vient de moi - vague montée de rose aux joues. Il commence à installer ses cordes mais T. dont il monopolise l'espace studio-photo demande à reprendre la place.

On se déplace, il reprend rapidement ses marques et installe un autre point de suspension. Il commence de suite par prendre mes bras en arrière. L'esprit docile part en routine : mains/bras contraints = yeux clos = dérive dans la contrainte.
Ce deuxième passage par ses cordes me donne une lecture plus générale de sa façon de procéder. A.S. utilise la corde comme lien avec son partenaire et tout passe exclusivement par elle, un lien impérieux. Nicolas utilise la corde comme une passerelle qui lierait plutôt nos empathies mutuelles. Je n'ai pas assez jouer aux cordes avec A.MoR. pour avoir une lecture plus globale de son jeu de cordes mais l'évidence des différences de ressenti en fonction du partenaire m'impose de deviner que son lien est encore différent.
Étant debout et plus libre de mes mouvements qu'assise, j'essaye de faciliter le passage de cordes mais sa voix calme intervient et me demande de me détendre. Je me laisse aller dans les cordes.
Puis il m'assoit sur le radiateur et lève une première jambe, la fixe et place la deuxième. La suspension est en place mais le radiateur est inconfortable et j'ai peur d'abîmer le leggings que m'a prêté Mlle Ilo. La suspension s'achève rapidement avec un goût d'inachevé.

Il m'appuie contre lui avec la douceur d'une plume quand il me détache les bras, toujours cette sensation de bulle qui me touche infiniment.
La séparation a quelque chose de douloureux tant elle revêt pour moi une sensation de regret.
A peine, matérialisée dans la réalité, V. se jette sur moi pour me dire : "c'est extraordinaire comme on voyait vraiment ton "lâché-prise"". Un moment, je pense vaguement lui répondre. Lui dire qu'il suffit de me lier les bras - lier, pas seulement entraver - les bras pour obtenir ce genre de résultat chez moi mais elle est déjà repartie. Et il serait sans doute intéressant de s'attarder sur le processus mental qui fait que la sensation de contrainte dans les bras m'ôte toutes velléités de rébellion voir même induit chez moi un état d'une passivité assez déroutante.

 La soirée se termine, Nicolas revient vers moi, il me donne ses coordonnées et me dit que "ça passe bien avec moi" de sa voix encordante.
J'essaie de faire passer combien moi aussi j'ai apprécié l'expérience et espère une occasion de la poursuivre. Cette troisième confrontation aux jeux de cordes est finalement celle qui est la plus proche de ce que j'avais pu imaginer lors de ces années à seulement penser aux jeux de nœuds.
Et le fait que j'ai déjà eu d'autres expériences des jeux de liens avec des ressentis totalement différents la rend d'autant plus irréelle, quelque part.

samedi 28 août 2010

FIP 37

J'aime les jeux de contraintes et je ne le cache pas.
Explorer les limites de mes mouvements, prendre conscience de mon impuissance restent des sensations particulièrement gratifiantes de mon point de vue. Et même si mon play-partenaire pratique avec moi diverses formes de contraintes, le shibari n'appartient pas à la sphère habituelle de nos jeux. Mais ma nature gourmande et curieuse ne rate jamais une occasion de se prêter à d'autres jeux.
Alors évidement, quand je lis "espace shibari" dans la présentation de la FIP, je me sens hautement concernée d'autant qu'un des pratiquants pressenti est l'auteur de ma première suspension et je pose mentalement une sorte de réservation sur le shibari avec la mention "au moins une fois".
Je me fais connaître comme volontaire dès le début de la soirée et une fois, la première suspension mise en place, mon tour arrive. Prise de contact sur le sujet : oui j'ai déjà fait une suspension, non, jamais je n'aurais eu l'outrecuidance de demander quelque chose de précis puisque dans mon esprit, on m'accorde déjà une sorte de faveur en pratiquant du shibari sur/pour moi.
L'encordeur propose de me faire un shibari que je pourrais garder quelques heures. Stupéfaction, je pense que je n'y aurais jamais pensé seule, pas fautes d'avoir déjà vu ce genre de pratique mais surtout parce que j'y place une intention intime qui ne s'adapte pas forcément à l'esprit "soirée" - toujours, ce côté naïvement "romantique" chez moi...
J'accepte de suite et des cordes rouges se mettent en place pour m'enserrer en commençant par un sorte de noeud en collier avec cette dextérité propre aux manieurs de cordes, gestes précis effectués avec une certitude qui les rend impératifs et qui touche nécessairement quelque chose en moi. Sa manière d'ajuster les cordes sur mon corps est englobante et assez différente de ce que j'ai pu découvrir la première fois même si mon attitude reste la même, faciliter au mieux la tâche de celui qui accepte de me donner de son temps pour ce jeu.
Le laçage se termine, je ressens la contrainte mais mes mouvements ont gardés toute leur latitude, la sensation tient plus du corset que des cordes quelque part. L'essentiel du jeu de cordes est dans mon dos et l'encordeur me suggère d'aller voir le résultat dans un miroir puis de revenir quand je jugerais les cordes trop inconfortables.
Quelque part, j'espère bien les conserver l'essentiel de la soirée comptant sur mon endurance à porter du latex et donc à m'abstenir de fréquenter les toilettes - trop pénible d'ôter et de remettre le latex. Je me dirige vers un miroir traversant la salle avec les cordes plaquées sur moi, j'ai comme une sensation d'ivresse subtile où le monde tangue et j'espère que mon pas est plus assuré que je ne le suis.
Comme souvent dans ces cas-là, j'aimerais prendre du temps pour moi, toucher la contrainte et lui laisser prendre une sorte de vérité mais ma pudeur m'interdit encore ce genre de geste public où je place une grande notion d'intimité. Logiquement, le petit miroir des toilettes ne permet que mal d'apprécier les liens qui se croisent et se nouent dans mon dos. Je reviens vaguement déçue parce que quelque part, l'essentiel n'est pas de voir la contrainte mais de la ressentir.
Cordes par A.S. - Photo par Her-v
Soudain, Master Of Rings semble surgir du néant et me saisit la main pour aller nous exposer à la lumière crue du studio photo. Il me place à ses pieds, la tête sur ses genoux et là aussi, je bascule dans l'intime. J'ai, comme un instant de panique quand je saisis le sens de ce qu'il me demande et même, si c'est un jeu l'espace d'une photo, l'attitude qu'il me demande est émotionnellement chargée d'un sens loin d'être neutre de mon point de vue. J'obtempère avec une sensation picotante d'interdit. Quelques poses photos, une vue centrée sur mon dos pour apprécier le jeu de cordes et me voilà, rendue à moi-même avec la brutalité de la réalité.

Le temps s'écoule doucement et j'oublie rapidement que je porte des cordes. Mais, la nature me rattrape et finalement, je dois me faire ôter les cordes pour soulager ma vessie.
J'ai du laisser paraître ma déception et spontanément, il est question d'un autre jeu de cordes une fois mes occupations terminées. Je reviens rapidement voir l'encordeur sans savoir ce qu'il va me faire et sans que la question ne m'effleure vraiment l'esprit.
Cordes par A.S. - Photo par Dick Laurent (http://www.dicklaurent.net/)
Il place mes bras en les pliant dans mon dos. Je crois que je devine qu'il est question de suspension mais cela n'a pas vraiment d'importance, les mouvements englobants de l'encordeur et la mise en place des liens mobilisent toute mon attention pour comprendre ce que l'on attend de moi et essayer d'anticiper les gestes pour les faciliter. Les cordes m'enserrent les bras avec force, je devine que la circulation sera rapidement coupées dans mes mains. La présence des liens est sûre mais sans violence, c'est difficile de retranscrire précisément cette sensation définitive d'immobilité alors que paradoxalement nulle violence n'est faite ou ressentie pour aboutir à ce résultat ; quand, dans l'inconscient collectif la privation de liberté est souvent associée à cette idée de violence justement.
Cordes par A.S. - Photo par Dick Laurent (http://www.dicklaurent.net/)
Puis c'est la sensation de suspension qui mobilise mon esprit. La première fois j'étais coincée dans l'encadrement d'une porte qui servait de support et mes bras étaient libres. Cette fois, je suis totalement dépourvue d'appui et les cordes sont mon seul soutien. Bizarrement, le fait d'explorer la suspension et les liens en me contorsionnant me semble bien moins impudique à faire qu'avec mes mains - et il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ce sujet, issu du tabou chrétien sur l'auto-satisfaction.
Une fois, bien ressentie ma contrainte, je me laisse à dériver en elle. Je crois que l'encordeur me demande si j'ai besoin de quelque chose, je crois qu'il parle de bander mes yeux mais je ne sais même pas si je réponds tant je suis absorbée par les liens. Il déplace quelque chose dans la suspension et la tension de mes bras se relâche un peu. Malgré tout, je ressens des picotements typiques dans mes mains et je les remue doucement pour stimuler la circulation sanguine. Le manieur de cordes perçoit mon mouvement et touche ma main d'un geste de papillon.

Cordes par A.S. - Photo par Dick Laurent (http://www.dicklaurent.net/)
Puis il commence à me délier et je m'en veux pour cette main froide qu'il a frôlée et qui a signifié la fin de la suspension. Les liens tombent à mes pieds, je suis vaguement étourdie, voilà c'est terminé. L'empreinte des cordes apparaît sur mes bras, j'aime passer mon doigt dessus et ressentir le dessin de la corde dans ma chair, cela correspond tellement à la sensation englobante que j'ai ressenti que tout semble tenir d'une certaine logique. 
Je tremble du contrecoup nerveux comme souvent après la contrainte chez moi, preuve de la charge émotionnelle que je place dans des instants comme celui-là. 

La soirée se poursuit et tire à sa fin, le manieur de corde me signifie qu'il va bientôt ranger. Je laisse paraître ma déception de gourmande jamais rassasiée et il me propose un dernier jeu. Comme si le sort voulait s'amuser de moi, c'est le moment où il est le plus sollicité de la soirée. Je suis déçue mais je m'estime déjà chanceuse d'avoir bénéficié de ses cordes par deux fois. Je m'amuse avec la barre de contrainte suspendue en me balançant avec, je crois que je parle avec quelqu'un. Quand mes deux bras sont saisis et tiré en arrière.
Je reconnais instantanément la façon de me toucher avant même que les cordes ne m'effleurent. Cette certitude qui ne souffre aucune discussion dans le mouvement, ces gestes englobants qui laissent présager la corde avant même qu'elle ne soit en place.
Et dans sa manière de faire, je devine que chaque encordeur a sa façon de procéder et que certaines me conviendront mieux que d'autres, la sienne particulièrement...
Il essaye de me suspendre avec la barre de contrainte mais les chaînes ne répondent pas comme il le souhaite, la barre tourne trop près de ma tête alors il tire sur les liens déjà placé sur moi et m'emmène vers ses anneaux de suspension. Il me parle peu, tout passe dans le geste, générant une sorte d’hyper-vigilance à l'autre pour répondre au mieux de ses désirs. Il continue de placer ses liens sur moi et finalement, tire sur la corde pour me signifier de m'allonger à ses pieds.
Déstabilisant cette laisse qu'il a fait de ses liens pour me manier dans le sens qu'il souhaite, déstabilisant d'être aux pieds d'un autre pour la deuxième fois de la soirée... 

Je suis allongée sur les cordes du précédent shibari qu'il a effectué, je sens les cordes entre moi et le sol, tout en sentant aussi les cordes qu'il place sur moi. Les liens se mettent en place, toujours avec cette sensation englobante qui me submerge. 
De temps en temps, je sens qu'il tire sur une corde sous moi et j'essaye de faciliter la récupération de la chose en me soulevant dans le peu de latitude de mouvement qu'il me reste. Il termine de m'attacher, me laisse profiter de la position quelques instants et recommence à manipuler les cordes, sans doute pour me libérer. 
Mais en fait, il me maintient toujours et enchaîne une autre position. La succession de positions me laisse stupéfaite un instant puis je m'abandonne au jeu. Il place un bandeau sur mes yeux et quelque part, je lui suis gré de me permettre de fermer les yeux en toute intimité. 
Cela décuple ma sensibilité à l'autre, je sens presque le déplacement d'air de ses mouvements avant qu'il ne les exécute, toujours avec cette précision nette propre aux manieurs de cordes qui me touche tant. 
Je devine qu'il se penche vers mon oreille, il me demande si il continue. J'acquiesce sans une hésitation, la plénitude de mon immobilité ne souffre aucune transigeance. 
Il dénoue de nouveau certains liens et me place assise, toujours sans un mot, juste en utilisant la corde comme moyen de me faire passer ses souhaits. 
Et le symbolisme de son jeu de corde m'apparaît clairement, la corde sert de lien entre nous bien plus que de liens sur moi quelque part. La relation dans laquelle cela nous place est presque troublante et prend une dimension sensuelle que j'essayais d'occulter jusque là. 
J'abdique et je me laisse aller à l'englobement de ses mouvements et de ses liens. 
Il me demande encore si je souhaite qu'il arrête, je ressaisis la réalité une minute, le temps de lui faire passer que non. 
Et, je me laisse à dériver dans la succession de liens et de nœuds. Puis finalement, les liens s'ôtent sans en générer de nouveaux. Je suis toujours assise, les liens tombent, le bandeau aussi. 
J'ouvre les yeux et percute le monde avec violence. Je crois que je me frotte les yeux comme on se réveille pour reprendre contact avec la réalité. 
Je devine que je remercie mon encordeur d'un soir avec la certitude de ne pas savoir faire passer ne serait-ce que la moitié de ma gratitude dans de simples mots. 

De cette deuxième expérience de shibari, je retiendrais ses mouvements englobants qui m'ont particulièrement touchée, cette emprise imposée dans le geste avant même la corde et qui rend la corde à son état d'outil en sublimant la précision technique de l'exécuteur. 
Mais mon report serait incomplet si je ne parlais pas aussi des marques laissées par la corde, que ce soit le relief du lien dans ma chair quelques temps après ou des rougeurs que je porte encore le surlendemain qui donnent une continuité à une expérience grandement satisfaisante de mon point de vue. 

Merci à qui de droit. 


lundi 9 août 2010

Toute première fois avec Master Of Rings

Je sais que tout a recommencé le 24-07, c’est idiot mais le symbole du chiffre de la date était trop fort pour que j’oublie jamais cette date. Il ne s’agit plus de jeux mais d’engagements plus définitifs, plus précis certes mais plus exigeants de ce que je suis. Une fusion consentie en fait, c’est bien on reste dans le RACK, c’est essentiel à mon fonctionnement intrinsèque mais c’est déroutant quand on a admit que l’étape fusionnelle du couple correspondait à son immaturité.
Quelque part, je m’étais engagée sur un autre chemin, que je m’étais presque construit “seule” et c’est à l’orée de ce chemin que les pas se sont arrêtés. La mécanique s’est comme grippée sur sa dernière idée et le temps est entrée en sommeil. Et voilà que le sablier recommence de couler et je dois retrouver mes marques sur un chemin dans lequel on m’a littéralement télé-transportée. Je dois mesurer où j’arrive à me situer, trouver ma place et la satisfaction liée - sinon à quoi bon - c’est étrange et étranger.
Maintenant, le chemin serpente seul sous mes pas et j’avance tirée par lui dans une confiance que je sais relative et fragile.Il y a dix milles sujets sur les quels j’aimerais laisser couler les mots pour suivre le trottinement des idées mais l’heure n’est pas à cela.

Ce soir, je veux essayer de retranscrire au plus fidèlement une expérience qui a déjà 24 heures d’effacement mémoriel parce que je sais combien le temps efface le rendu qu’on voudrait donner au souvenir. Trop d’instants non écrits restent prisonniers de mon esprit en images que j’ai appris qu’il fallait les mettre en mots au plus tôt ou jamais.

Certains choix de vie rendent certaines choses inévitables, elles deviennent une évidence qui s’impose à un moment du parcours. C’est le cas du bondage et des jeux de cordes, que mon play-partenaire ne tienne pas à se lancer dans ce genre de pratique, est loin d’être un rempart à l’opportunité de me livrer à des jeux de suspension et de liens. D’autant que je connais par avance mon goût pour la suspension, expérimentée en d’autres circonstances avec des chaînes.

Mais je suis une romantique, j’aimerais que la vie place des signaux ou des feux d’artifice sur les beaux moments de nos vies. Alors j’espère toujours qu’un événement exceptionnel - de mon point de vue - soit jalonné d’énormes indices du destin pour présager de sa venue. En vrai, c’est pas du tout comme ça, ça vous tombe dessus comme ça, le temps n’a même pas un hoquet pour vous/nous laisser reprendre notre respiration et retourner dans la grande ritournelle du quotidien.
Et c’est comme ça que c’est arrivé, sans même un spasme du temps.
Un enchaînement de flash d’images mixées trop vite, de la purée de pixels, dirait un certain condisciple. Une purée de pixels que j’aimerais étaler en mots pour lui donner une sorte de réalité.

Une vague allusion, à un moment, à laquelle je ne suis même pas certaine d’avoir réagi mais le corps parle souvent plus que la bouche. Un lieu gigantesque et abandonné, l’émotion de la découverte de ces grands couloirs vides et lourds d’histoires, le chatoiement des tags qui se succèdent au grès des pièces, le bruit du verre cassé qui crisse sous les pas, les exclamations du groupe. Une pose en saran wrap - oui c’est “snob” mais j’aime mieux le terme anglophone - un moment de grâce où l’esprit perd pied et ne sait plus situer son haut de son bas. J’adore ses moments de flottement où même le corps semble perdre ses propres repères. Transgression, la première fois que j’ai ressenti cela c’était en plongée sous-marine, une petite narcose. Bref, un retour à la normalité difficile, une sorte d'atterrissage forcé, d’un coup c’est cut, tout s’arrête.

Un flottement, il est question de photo collective avec change de vêtement et vaguement question de suspension aussi. Le flottement s’éternise. Quand une corde bleue électrique s’agite assez dans ma vision périphérique pour me faire tourner la tête, la question est directe : “ on y va ?”. Je sais que je jette un regard un peu perdu à qui de droit pour y guetter l’assentiment qui m’autorise ce genre de chose. J’aime ces micro-fragments de panique qui m’attache à Lui quand les autres me demandent quelque chose que j’ai renoncé à choisir seule.
Me voilà dans le couloir, “mets-toi en string”, ferme, simple et bref, j’obéis sans même en avoir vraiment conscience. L’esprit s’applique à rendre chaque geste efficace et rapide. Moment glaçant quand il s’agit d’ôter mon collier, comme quoi la nudité ne tient à rien parfois. Mais je retrouve rapidement un élément familier quand mon buste est wrapé dans du saran qui est ensuite déchiré par endroit. Un nœud bleu électrique passe autour de mon cou, troublant de recevoir une sorte “d’autre” collier, une idée qui frôle l’esprit pour s’envoler aussitôt. S’appliquer à obéir, rester docile, chercher à faciliter la tâche, ne pas gêner en quelque sorte - une idée à développer par la suite pour moi-même. Les nœuds se nouent, je sens leurs rondeurs, surtout sur mes clavicules, ils tissent une sorte de toile/filet géant qui me maintient du pubis aux épaules. On entend le frottement de la corde, c’est sensuel comme bruissement, le bruit plus que le contact, en fait. Le contact est plus rude, présent et trop impérieux pour avoir la nonchalance de la sensualité. Un échafaudage de débris du lieu se construit à mes pieds, j’y prends place, quelques nœuds et quelques bruissements continuent de me bercer dans une sorte de routine réconfortante.
Et d’un seul coup, un geste précis et ferme me bascule en avant pendant que des mains manifestement expertes s’appliquent à lier mes chevilles pour avoir le point d’équilibre. Quelques flottements et d’autres ajustements plus loin, me voilà belle et bien en suspension. Une grimace involontaire que je crois imperceptible quand le nœud fait plisser ma peau sur ma clavicule droite qui entraîne une réaction immédiate dont je ne doutais pas mais qu’il est rassurant de constater.
Les flashes crépitent mais je ne sais pas bien comment ou quand ils sont arrivés là. Un flottement et des mains m’empoignent pour que je bascule, de nouveaux les flashes, I. qui s’amuse avec moi, des éclats de rire, une fessée sonore. Des bras sous moi, et me voilà rendue à la pesanteur. Les nœuds se dénouent à une vitesse effarante et c’est à la réalité que je suis rendue cette fois.
Photo et cordes : Master Of Rings

Minute d’introspection : je savais que j’aimerais ce genre de suspension alors je ne suis pas étonnée d’avoir aimé. Par contre je suis étonnée de ce que j’ai aimé. A savoir pas la suspension en elle-même, c’est un état intéressant certes qui mériterait sans doute plus d’exploration à titre personnel mais Le Moment qui cristallise mon souvenir et dont je sais intrinsèquement qu’il est celui que je rechercherais par la suite, c’est le “lâché”, la “bascule”. La microseconde où l’on ressent à quel point l’autre nous tient en son pouvoir.
Et basiquement, c’est fou toutes les questions que cette mini-expérience génèrent en moi sur les jeux de cordes.

Ecrit en vrac à la va-vite.