samedi 1 janvier 2011

Elektro-chok, janvier 2011

MP3 en mode aléatoire. est-ce que j'écoute du rap ? oui, justement c'est "entre deux" de sniper.
En fait, j'écoute de tout sauf de la country.
La rage c'est beau, et le rap est la dernière musique enragée à mon sens. Des années plutôt ils auraient été punk, aujourd'hui, ils sont rappeurs mais ils viennent du même monde, des même quartiers, des mêmes caves, des mêmes histoires de vie où la prison et la "drogue" sont du quotidien.
Une sorte de monde de paria où s'entassent les exclus d'un système où je n'ai jamais su trouver ma place.
Mais je divague sur la musique sans en venir là où je devais.
Autocensure et suppression de plusieurs lignes pour recentrage.

Je m'arrache rarement du temps pour moi-même, ça fait parti de mes choix de vie autant que c'est une conséquence de ce que je suis.
Mais quand je m'en arrache c'est parce que je ressens l'écho d'un esprit. Se frotter à une belle âme c'est s'enrichir aussi.
Si tu dis être coutumier de la solitude au point d'y avoir développer une sorte de tolérance, c'est quelque chose que je n'ai jamais appris à supporter. Le poids de l'indicible solitude à laquelle est désespérément prédestinée l'humanité est quelque chose que j'ai beau pratiquer depuis tant d'années mais je n'arrive pas à m'y faire, c'est toujours un constat qui m'oppresse la gorge, me tord le ventre et me donne envie de me lacérer jusqu'à ce que mort s'en suive.
Et parfois, il y a une rencontre, quelque chose qui passe d'emblée avec l'autre, une sorte d'entente tacite où les mots sont inutiles tant la sensation de connaissance de l'autre est évidente. Cela ne m'arrive pas souvent ces rencontres et ma vie fait qu'elles sont souvent appelée à ne pas se reproduire, ça n'ôte rien au respect qui s'instaure de fait entre nous mais ça ôte le plaisir de jouir d'une sorte de "communauté d'âme", une sorte de petit instant magique où ce sentiment de solitude s'estompe parce que justement, pour une fois, pour une minute, pour une seconde, on ne l'est plus par la simple présence réconfortante de l'autre, par son regard, par le ton de sa voix...

Et j'ai fait une autre de ces rencontres et c'est pour elle que je m'arrache du temps en ce premier janvier 2011.
Une vie chaotique comme la mienne, une douleur dévorante qui me renvoie ma propre image en miroir et la sensation que quelque part, je vole cette rencontre à la vie quand il ne sait pas bien où son chemin le mènera.
Rendez-vous Opéra Garnier, flashback, des millions d'années que je ne suis plus venue ici, j'avais 17 ans et un look dans le style dandy à la Georges Sand parce que ma sœur m'appelait Sand depuis que mon premier livre avait été édité.
J'avais de longs cheveux que je m'apprêtais à couper pour la première fois depuis que j'étais rentrée en france parce qu'à l'agence, ils conseillaient de me dégrader les cheveux pour affiner mon visage. J'avais dix millions de certitudes dont la seule qui me reste, aujourd'hui, est qu'on traîne nos morts accrochés à nos pieds toute notre vie.

Je cale le sac à dos sur une barrière et je mets mes gants.
Un regard appelle le mien, N. est là. On va où ? pas d'avis.
Paris est désert, errance dans la capitale pour se poser, des phrases qui se lâchent au fil des pas, une voûte où j'entrevois une sorte de parc, je passe la tête dans la suivante, un beau lieu tout calme, je propose de s'y poser deux minutes, le temps que je fume mon poison.
Quelques phrases, c'est difficile d'aller vers l'autre, difficile parce que dangereux sans doute, mais c'est toujours des instants magiques qui laissent plus l'idée d'un sentiment général, une sorte de douceur, un tâtonnement de l'esprit.
Et puis la marche reprend avec un sac de moins, finalement entre parole et pas, on arrive dans un petit bar tout tranquillement niché au chaud, je ne sais pas bien où. Le lieu et l'intimité deviennent plus propices aux confidences, on décrit des grandes lignes, on pose des décors, toujours encore un peu en surface pour tenir dans un condensé mais avec déjà un pied dans le personnel.
Oser quelques questions timides pour faire des jonctions entre différents éléments, donner un peu de soi en réponse, éviter discrètement les sujets à tiroirs sur lesquels un condensé ne suffirait pas.
Le temps défile, un chocolat chaud, deux et c'est fini.

La vie m'a rattrapée.
N. propose de me raccompagner, on essaye de tricher comme on peut pour voler un peu plus de temps... Et finalement, c'est la foule du métro qui terminera de casser la bulle.
Gare de l'est, Fab monte pile dans notre wagon... hasard, karma, destin, évidence pour moi.
Fin de trajet dans l'éternel foule de 18h, trajet de filou dans les petites rues pour arriver à la salle. J'avais essayé d'en faire un tableau objectif à N., mais personne n'arrive jamais à vraiment imager la saleté repoussante de cette salle.
Flottement, finalement B. et M. sortent des loges alors que Y. arrive en cherchant S.
Si Y. est "déjà" là, c'est un signe évident de retard de notre part. Faut monter/installer/câbler.
N. nous quitte. Sur un coup de tête, je lui ai proposé de venir à la soirée, il a repéré les points d'attache dans la salle et expliqué ses intentions à Y.

Je suis un petit nuage et je trouve que la soirée ne commence pas assez vite. Pendant le repas, Y. revient quand même sur cette histoire de shibari en expliquant qu'il avait déjà eu des plaintes suite à un soumis en laisse dans la soirée.
Débauche d'arguments de ma part relayée par Fab en insistant sur le côté "non explicitement sexuel" de la chose. P. s'en mêle en disant qu'il faudra vérifier toutes les cartes d'identité à l'entrée... Puis finalement, il dit que c'est bête qu'on l'aurait mis sur le fly : ouf, gagné !
Et quand je vois l'image du bondage que peuvent avoir des personnes qui prétendent fréquenter une certaine alternative, je me dis que je devrais quand même essayer de comprendre comment le lambda perçoit la chose.
 Le début de la soirée est terriblement laborieux, froid et pénible. Le temps s'éternise en minute, plus longue les unes que les autres.
Finalement, il est enfin/déjà une heure de matin. N. avait prévenu qu'il faisait sa cendrillon à une heure du matin. C'est mort...
Heureusement, M. est passé et il fait le clown comme à son habitude en racontant des choses affreusement hilarantes, la soirée ne sera pas complètement perdue.

Et à un moment, dans un flash éblouissant de B., N. se matérialise devant moi.
Coup au cœur et stupéfaction.
J'aime bien ce côté "magique" qu'il a d'apparaître dans des moments improbables et j'imagine que lui s'amuse de cette surprise incrédule qui s'empare chaque fois de moi.
La musique beugle à un niveau sonore absolument anti-convivial, difficile d'échanger dans ces circonstances.
Malgré tout, je sais qu'il sera question de cordes et je n'ai qu'à ronger mon frein en attendant. Tellement focalisée sur ma propre envie, j'occulte la réalité de la soirée.
Et celle-ci me percute de plein fouet quand il devient vraiment question de cordes.
La foule, les flash, le son...
N. me dit de venir le rejoindre d'ici une minute... dire ça à une impatiente comme moi, compter le temps... Je jette la minute à l'infini et m'avance pour le rejoindre.
La foule, les flash, le son.
Quelques secondes, je me dis que c'est typiquement un plan d'arraché.
Puis N. "entre en contact" avec moi, la bulle commence à se former, comme un doux amortissement d'abord. J'ai la sensation que plus nous aurons l'occasion de nous découvrir, plus cette sensation gagnera en force et en rapidité de mise en place.
Et il me prend les mains pour les placer en face en face devant moi.
Déroutant. Il n'a jamais fait ce geste-là avec moi.
Instantanément, j'ai un flash de l'après-midi quand je lui expliquais que je différenciais les cordes des autres accessoires de bondage et qu'il avait ajouté "menotte" à mon listing.
Est-ce qu'un bondage peut s'interpréter comme un rêve ? pourquoi pas dans la mesure, où il laisse son "instinct" le guider pour encorder sans chercher à faire des figures imposés.
La situation m’interpelle assez pour que j'en garde les yeux ouverts, je le vois faire ses passages de cordes, cela aussi c'est imprégné d'une douceur ronde.
Logiquement, le fait de regarder le jeux de cordes m'aide à focaliser mon esprit dessus et la contrainte qui prend progressivement possession de moi me ferme les yeux et place le monde en sourdine.
Je dérive doucement au rythme des passages de cordes mobilisant mon esprit sur le moindre ressenti.
Ses mouvements pour me manipuler sont plus impérieux que les autres fois, et c'est forcément quelque chose qui résonne en écho en moi, comme cette petite tape sur la cuisse pour me faire comprendre de l'écarter plus.
Et cela donne nécessairement un souvenir plus charnel à l'expérience de mon point de vue.
Devant cette sorte de rappel à l'ordre, j'essaye de rester encore plus attentive au ressenti pour me plier aux exigences et comme souvent, la focalisation sur un objet précis aide à mieux décrocher.
Et c'est un autre ressenti qui me raccroche à la réalité, un millier de frôlements d'ailes de papillons jouent de moi, de mes sensations, de mon orientation. J'ai la sensation d'onduler avec mon corps pour suivre les caresses alors que je sais pertinemment que je suis pratiquement incapable de bouger.
Étonnant de constater combien dans l'immobilité un frémissement de muscles puisse sembler prendre une telle ampleur, par relativité sans doute.
De nouveau, la focalisation sur un objet précis joue son rôle et je perds la notion du temps et du lieu. Puis à un moment, les liens se font moins présents sans vraiment savoir comment ni pourquoi.
Le monde me revient dans toute la laideur des caves, que je préfère continuer de fermer les yeux pour mieux continuer de profiter.
Une voix fuse en référence au SM sortie tout droit d'un individu trop enivré et trop connu de moi pour qu'une parole aimable ne m'échappe. N. termine de me détacher, la bulle s'efface progressivement et la réalité prend corps.
Et je n'en apprécie que plus fort la sorte de magie qu'il y a entre lui et moi pour avoir réussi à faire abstraction de tout ce bruit, cette foule, ces flash.

La soirée se poursuit, des paroles se volent encore, comme un petit chemin vers l'autre qui se construit. Et N. s'en va. Je le raccompagne.
J'aimerais lui dire que j'aimerais le revoir mais je ne dis rien, sa vie est assez compliquée comme ça et quelque part, je pense qu'il le sait.
 Et si il est un enseignement à tirer de cette expérience, c'est cette évidence que je crois que N. avait déjà essayé de me faire passer.
A savoir que nos jeux de cordes auraient maintenant besoin d'une intimité qu'un lieu public même adapté ne peut plus leur offrir.